Vers une reconnaissance du lien de beau-parentalité ?
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Les initiatives se multiplient pour que le droit positif évolue et s’adapte aux évolutions familiales en consacrant des droits aux beaux-parents. Les notaires invitent le législateur à officialiser le lien de beau-parentalité, pendant d’une initiative sénatoriale qui propose également d’aligner la fiscalité des transmissions à titre gratuit des beaux-parents sur celle des parents.
En France, 1,5 million d’enfants vivent dans des familles recomposées, soit un enfant sur dix ( Insee Première, n° 2032, janvier 2025 ). Si l’on comptabilise les enfants majeurs ayant vécu dans ce cadre familial, on peut avancer que des dizaines de millions de personnes sont concernées. Parent social, parent affectif, le beau-parent est juridiquement un étranger. Le lien de « beau-parenté » n’existant pas. Pourtant, « ils assument, au quotidien, un rôle éducatif, affectif et logistique essentiel. Ils participent à l’éducation, transmettent des valeurs, financent les études et soutiennent les enfants comme le ferait tout parent », constate Xavier Iacovelli, vice-président du Sénat. Le sénateur vient de déposer une proposition de loi n° 892 relative à l’égalité de traitement fiscal entre parents et beaux-parents . « Malgré cette réalité vécue par des millions de familles, notre droit fiscal continue d’ignorer ce rôle, reléguant les beaux-parents au rang de simples tiers ».
Créer un abattement sur les transmissions du beau-parent
L’objectif de la proposition de loi est d’aligner les règles fiscales relatives à la transmission à titre gratuit (donation et succession) sur la réalité sociale. Pour mémoire, les transmissions de parent-enfant bénéficient d’un abattement de 100 000 euros, renouvelable tous les 15 ans ( CGI, art. 779 ). Faute de lien de parenté, un enfant ne bénéficie d’aucun abattement sur la libéralité consentie par son beau-parent. Seul un abattement de 1 594 euros est susceptible de s’appliquer ( CGI, art. 788 ) ; au-delà, la transmission est taxée à 60 % ( CGI, art. 777 ). Ainsi, la proposition de loi vise à étendre l’abattement de 100 000 euros tous les 15 ans aux libéralités consenties par les beaux-parents. L’auteur du texte reconnaît que cette reconnaissance n’existe ni en Allemagne, ni en Italie, ni en Belgique et que la France deviendrait précurseure.
Le texte conditionne cette exonération à l’existence « d’un lien juridique solide », mariage ou pacs, et « l’exigence d’une durée minimale de vie commune de cinq ans », pour éviter les donations opportunistes.
Les notaires plaident en faveur d’une déclaration de beau-parentalité
Parallèlement, les notaires plaident pour la création d’une déclaration de beau-parentalité. Lors de sa 121 e édition, tenue du 24 au 26 septembre à Montpellier, le Congrès des notaires qui avait pour thème : « Famille et créativité notariale : accompagner les tribus d’aujourd’hui », a consacré ses travaux à la famille, pour tenir compte de ses évolutions et des nouvelles configurations familiales. Une des 14 propositions adoptées par l’assemblée des notaires propose de créer une « déclaration de beau-parentalité », à mi-chemin entre le statut et la reconnaissance symbolique du lien de beau-parentalité, sans jamais heurter les droits des parents. Elle prendrait la forme d’une déclaration notariée, facultative, entre l’enfant et le conjoint marié ou partenaire pacsé de son père ou sa mère. Lorsque cette déclaration est établie pendant la minorité de l’enfant, elle prendrait la forme d’un acte unilatéral produisant des effets limités. Réitérée, ou signée à la majorité de l’enfant, elle prendrait la forme d’un acte de déclaration conjointe ou réciproque produisant des effets plus étendus (obligation alimentaire supplétive, obligation d’assistance, droits fiscaux, etc.).
Selon les notaires, cette approche notariale patrimoniale permettrait d’éviter le recours à l’adoption lorsqu’elle est inappropriée, d’affirmer la spécificité du rôle du beau-parent, de supprimer l’intérêt de la course à l’adoption, de faciliter la transmission patrimoniale volontaire en famille recomposée et enfin, d’accorder des effets en fiscalité successorale.