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Justice : le nouveau culte de la performance
Justice : le nouveau culte de la performance
L’administration centrale entend « renforcer la performance de la justice ». Une expression qui, sur fond d’insuffisance structurelle de moyens, interpelle la magistrate Natacha Aubeneau, membre de l’Union syndicale des magistrats (USM).  Photo : @AdobeStock/Dom «  Renforcer la performance de la justice, dans une logique de gestion budgétaire innovante  »    Sur la page d’accueil du site intranet du ministère de la Justice comme sur les réseaux sociaux de ses principaux acteurs, on nous vante désormais la « culture de la performance ». Le 7 juillet 2025, en présence de Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des Sceaux, et d’Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, une réunion animée par Pascal Prache, directeur des services judiciaires, «  a été l’occasion de partager des initiatives concrètes visant à renforcer la performance de la justice, dans une logique de gestion budgétaire innovante  ». Ainsi, «  diffuser la culture de la performance serait un enjeu majeur à tous les étages de nos juridictions  ». Est-ce à dire que la Justice se complaisait jusqu’à présent dans la « culture de l’oisiveté » ? Quand on recherche une définition de cette expression, la culture de la performance désigne un ensemble de valeurs, de comportements et de pratiques au sein d’une organisation (entreprise, administration, institution, etc.) qui visent à maximiser l’efficacité, la productivité et les résultats. Elle met l’accent sur l’atteinte d’objectifs mesurables, souvent en lien avec des indicateurs de performance. Mais la justice est-elle soluble dans ces nouveaux diktats communicationnels performatifs ? Faire fi de l’état de délabrement de la justice ?   Alors que les États généraux de la justice ont mis en exergue l’état de délabrement de la justice après 30 ans d’abandon, la logique de performance et d’économie budgétaire viendrait-elle tenter de faire oublier ce constat ? Bien évidemment, en termes d’image, délabrement et abandon résonnent négativement. Pour ne pas sonner le glas d’une institution en grande souffrance, sans doute faut-il trouver des termes plus combatifs pour remettre au travail les troupes dont le moral est à peu près aussi bas que le budget consacré par la France à sa justice ! Cette nouvelle culture de la performance nous enseigne qu’il faut éviter les gaspillages et mieux répartir les moyens. Mais, quand il s’agit de répartir la pénurie, toute proposition d’économie ou de réorganisation fait frémir à tous les étages de nos juridictions… Comme la justice n’a pas les moyens de faire face à l’afflux des procédures en toutes matières, on crée des procédures d’urgence pour contourner la longueur des délais de traitement, puis on publie des circulaires qui viennent définir des priorités… Mais il y en a tellement que tout redevient prioritaire, que tout devient urgent. Alors le système s’emballe à nouveau, s’engorge, s’asphyxie. L’amélioration de la performance d’une institution délabrée devrait passer par la définition de priorités certes, mais aussi en contrepartie par la désignation claire de ce qui devrait pouvoir être différé, voire abandonné, dès lors que tout ne peut pas être traité avec le même soin sans moyens supplémentaires. Il s’agit là d’un choix qui devrait relever du pouvoir décisionnel, politique, et non laissé aux juridictions selon l’état de leurs effectifs, occasionnant chez les magistrats un sentiment de mal-être et de perte du sens de leurs missions. Quels outils de reconnaissance et d’encouragement ? La culture de la performance devrait à tout le moins avoir pour corollaire la reconnaissance du travail, de l’engagement, de la conscience professionnelle de ceux qui rendent la justice au quotidien, qui se surinvestissent pour que l’appareil judiciaire délabré ne s’effondre pas totalement. Mais quels sont les outils de reconnaissance offerts au ministère pour encourager ses agents ? La prime modulable (qui varie chaque année en fonction du « mérite ») ? L’évaluation ? La promotion ? S’agit-il vraiment d’outils de reconnaissance ou davantage d’outils de pression supplémentaire quand, par exemple, des circulaires viennent imposer l’application par les juges, au mépris de leur indépendance juridictionnelle, d’orientations politiques, faisant fi des moyens à leur disposition pour y parvenir ? Quel signe de reconnaissance adresse-t-on quand les enveloppes allouées chaque année à la prime modulable sont insuffisantes à servir a minima à chaque magistrat normalement méritant le coefficient moyen de 1 qui permettrait d’éviter une baisse de prime à des magistrats qui n’ont pourtant pas démérité ? En quoi l’évaluation permet-elle d’encourager les magistrats ? Quelles perspectives de promotion quand l’évolution du traitement indiciaire (salaire) plafonne pendant des années, dans l’attente de l’adoption prochaine (mais sans cesse retardée) de nouvelles grilles de rémunération progressives et modernisées comme pour le reste de la haute fonction publique ? Les budgets sont de plus en plus serrés alors même que les besoins sont immenses. Les coupes déjà annoncées dans les budgets alloués notamment au paiement des magistrats honoraires (retraités) et des magistrats à titre temporaire qui venaient renforcer les effectifs pour tenir les audiences correctionnelles et criminelles (cours d’assises et cours criminelles départementales) ont entrainé dès ce mois de septembre a minima une surcharge de travail pour les magistrats qui ont dû siéger dans ces audiences en sus de leur charge de travail déjà colossale, et  parfois même empêché la tenue de certaines audiences, avec le risque de devoir remettre en liberté des criminels qui n’auront pas pu être jugés dans les délais légaux. De quelle performance argue-t-on lorsque les outils numériques dont sont dotées les juridictions sont proprement inadaptés, inopérants, moyenâgeux pour certains ? Quantité ou qualité ?   Mesurer la performance implique une évaluation quantitative qui ne doit pourtant pas faire oublier que le service public de la justice a des objectifs et missions difficilement quantifiables, dont la valeur devrait avant tout être qualitative plus que quantitative. La tribune dite des 3000 a dénoncé la perte de sens, une justice qui chronomètre tout au point de déshumaniser son rôle tant pour les justiciables que pour ceux qui la rendent. Alors que le ressenti de la souffrance au travail est à son paroxysme dans les juridictions, pourquoi la Direction des services judiciaires du ministère ne divulgue-t-elle pas les chiffres sur le nombre d’arrêts de travail pour épuisement professionnel, longue maladie, ou le nombre de décès prématurés dans la magistrature ? La recherche de la performance fait naitre des tensions entre les acteurs du monde judiciaire, magistrats, greffiers et fonctionnaires, avocats et autres partenaires, qui n’ont plus le temps de se parler. Car la performance impose un rythme et une productivité peu propices à l’échange et au partenariat, que pourtant on vient encourager par ailleurs à grand renfort de circulaires, avec pour exemple les circulaires sur la lutte contre les violences intra-familiales et de politique civile, dans un refus obstiné de prioriser en tenant compte de la réalité de la pénurie de moyens. La tribune « La justice va dans le mur » publiée dans le journal Le Monde et qui fait suite à la tribune des 3000 a encore dénoncé l’insuffisance des moyens alloués à la justice qui ne lui permet donc pas de fonctionner correctement. Alors que la justice ne tient que grâce au surinvestissement et à la conscience professionnelle de ceux qui la rendent, comment évaluer la performance sans outil d’évaluation des charges de travail ? Après que la Cour des comptes a plusieurs fois dénoncé l’absence d’outil d’évaluation de la charge de travail des magistrats, la Direction des services judiciaires a fini par faire renaitre de ses cendres en 2021 un groupe de travail (créé en 2011) qui a élaboré des tables de référence détaillées, établies fonction par fonction, au terme de deux ans de travaux intensifs et consensuels, dont les référentiels n’ont pourtant pas été mis en œuvre ? Alors que les présidents de tribunaux judiciaires ont pu chiffrer les besoins urgents d’effectifs de magistrats à +35% (uniquement pour le siège en première instance et sans apurement des stocks) grâce à un outil d’évaluation de la charge de travail qu’ils ont eux-mêmes créé, pourquoi ces besoins vitaux sont-ils ignorés ? Alors que la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) place encore la France dans les derniers rangs des pays européens comparables dans son dernier rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens, pourquoi le ministère cherche-t-il encore à minimiser, contester voire écarter ces chiffres ? Au lieu de tenir compte des conclusions du groupe de travail sur l’évaluation de la charge de travail des magistrats qui prônent un doublement des effectifs a minima, le ministère a lancé une étude de temps pour confronter ces conclusions au terrain, confiée à Cap Gemini, dont les résultats se font toujours attendre. Comment anticiper les besoins humains dans les juridictions quand aucune circulaire de localisation des emplois n’a été adoptée entre 2022 et 2025 et quand le ministère se refuse à tenir compte d’une projection des besoins à moyen terme ? La performance n’implique-t-elle pas de fixer des objectifs ? Lors de cette réunion du 7 juillet consacrée à la performance, il a encore été question de Z-score, «  un outil d’aide à la décision pour rénover les dialogues de gestion  » pour «  engager une logique de performance et d’efficience visible  ». Il paraît utile de rappeler que Z-score est un outil de scoring (évaluation) des entreprises, créé dans les années 1960, très répandu dans les entreprises anglo-saxonnes, basé sur des critères exclusivement financiers afin d’évaluer la santé financière des entreprises et de prédire les faillites. Le z-score permet aussi de normaliser les données afin de les comparer sur une base commune, raison pour laquelle il est ici décliné dans l’objectif de comparer les statistiques des juridictions. Mais encore faut-il qu’il reste l’outil d’analyse comparative présenté et ne devienne pas le juge de paix de la compétitivité judiciaire classant chacun parmi les bons et les mauvais quelles qu’en soient les causes structurelles ou conjoncturelles. Car à force de combiner, agréger, écarter certaines données, on tire le tout vers le bas et on obtient des chiffres qui rassurent les politiques soucieux de faire des économies mais ne peuvent qu’inquiéter les acteurs du monde judiciaire bien conscients que la justice est au bord de la faillite institutionnelle… Conclusion   Alors que la justice est au bord de l’implosion après 30 ans d’abandon, cet appel à la culture de la performance, mal adapté au contexte humain, ne peut être que douloureusement perçu par tous ceux qui ne comptent pas leurs heures pour maintenir à flot une institution judiciaire qui prend l’eau de toutes parts. Le bateau justice est en train de sombrer pendant que les membres de l’équipage encouragent la performance de ceux qui écopent à la petite cuillère.
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Un pigiste du Canard enchainé devant les prud’hommes pour « harcèlement moral »
Un pigiste du Canard enchainé devant les prud’hommes pour « harcèlement moral »
À quelques jours de la décision dans l’affaire des emplois fictifs (17 octobre), la direction du Canard enchaîné était assignée, mardi 7 octobre, devant le conseil des prud’hommes de Paris, par le journaliste Mathieu Perez. Ce pigiste demande une requalification de son contrat en CDI et plus de 100 000 euros d’indemnités. Bruno Bleu/AdobeStock   Les pigistes se rebiffent contre le Palmipède : suite. Après Stéphanie M., qui demandait plus de 500 000 euros de dédommagement et un CDI (lire notre article ici) , c’est le critique de Théâtre Mathieu Perez qui exige aussi un CDI et, pour sa part, environ 110 000 euros. Le CPH de Paris, examinait hier sa requête, dans une salle comblée par les soutiens syndicaux du pigiste, au premier rang desquels Christophe Nobili, à l’origine des révélations sur l’emploi fictif du Canard. Pigiste régulier de la rubrique théâtre depuis 2015, Mathieu Perez prétend percevoir chaque mois une rémunération forfaitaire mensuelle d’un montant relativement stable et indépendant du nombre d’articles qu’il rédige (ses bulletins de paie indiquent un salaire forfaitaire mensuel et non une rémunération correspondant à un nombre de piges), cela prouvant qu’il n’est pas payé à la pige, c’est-à-dire à la tâche pour la fourniture d’un travail donné, contrairement à ce que la direction du journal soutient en défense. L’avocate du Canard a fourni tous les documents prouvant, selon elle, que les revenus du requérant étaient corrélés à son travail, contrairement à ce qu’il prétendait, et rappelé qu’il fournissait environ 25% du travail des journalistes en CDI, ce dont Mathieu Perez disconvient, puisque selon-lui, il travaille pour le canard à temps plein. D’ailleurs, 80% à 90% de ses revenus proviennent de son travail pour l’hebdomadaire. En réalité, les 25% correspondent au nombre de feuillets rendus chaque mois, et non au temps de travail effectif, difficilement quantifiable s’agissant d’un critique de théâtre. Mathieu Perez soutient également qu’il ne bénéficie pas d’une totale liberté dans le choix des sujets, qu’il a toujours réalisé le travail confié et qu’il a fait preuve d’une constante disponibilité. En outre, il reçoit du courrier à la rédaction et est invité aux évènements du journal. Mais il est maintenu comme pigiste et, à ce titre, perçoit en moyenne 1250 euros par mois, alors que s’il était en CDI, son salaire serait de 2575,44 euros, et c’est ce qu’il demande. Il réclame, entre autres, 48 689,15 euros à titre de rappel de salaires sur minima conventionnels, 14 993,93 euros à titre de rappel de salaires sur primes de 13ᵉ, 14ᵉ et 15ᵉ mois. « Une mesure de rétorsion participant au harc èlement moral » « En réalité, et comme cela a été reconnu par Monsieur Erik Emptaz (rédacteur en chef) auprès de Madame Anne-Sophie Mercier (journaliste permanent), plaide l’avocat de Mathieu Perez, la seule raison qui explique le refus de la Société de reconnaître à Monsieur Perez son statut de journaliste permanent est qu’il a décidé d’exercer ses droits devant le Conseil de Prud’hommes de Paris. Il s’agit donc d’une mesure de rétorsion participant au harcèlement moral dont il est par ailleurs également victime. » La situation de Mathieu Perez se serait, en effet, dégradée brusquement après le 15 mars 2023. Ce jour-là, ils sont 21 journalistes du « Canard » à signer une lettre de soutien à Christophe Nobili, visé par un article signé par la direction du journal, dans l’affaire de l’emploi fictif (lire nos chroniques de ce procès ici , là et là ). Mathieu Perez est l’un d’eux. S’en est ensuivi une période de trois semaines sans article publié, alors même que sa rémunération est maintenue (preuve selon lui qu’il n’est pas pigiste). Il dénonce une dégradation de ses conditions de travail dont découlerait un harcèlement moral (qu’il souhaite voir indemnisé à hauteur de 30 000 euros). Selon lui, ses articles ne sont plus publiés régulièrement mais « de manière arbitraire, sans aucune récurrence » ; son supérieur hiérarchique, Jean-Luc Porquet, ne communique plus que par courriel et ne relit plus les articles qu’il rédige ; sa rémunération varie de manière arbitraire. On lui demande de rendre des articles le vendredi au lieu de dimanche, comme c’était le cas avant, ce qui est un obstacle insurmontable quand les premières de théâtre sont le vendredi ou le samedi. Pour lui, aucun doute que ce « harcèlement moral » est lié au soutien à la cause de Christophe Nobili. Le dessinateur Wozniak atteste que Monsieur Porquet lui a indiqué que Monsieur Perez est devenu « ennemi du journal » à la suite de sa signature. Sous anxiolytique, suivi par le psychologue du travail, Mathieu Perez estime avoir subi un préjudice psychologique du fait de ses conditions de travail. « C ’est un dossier extrêmement classique de pigiste » Pas de harcèlement moral, selon la direction : « Parmi les signataires de la lettre, seul Mathieu Perez aurait été harcelé ? » objecte Hervé Liffran, pour la direction. « On essaie de nous en faire quelque chose de plus important sur fond du litige qui a exposé Nobili à la société, c’est un dossier extrêmement classique de pigiste », plaide l’avocate du Canard. « Le fait de ne pas avoir été publié pendant trois numéros, c’est arrivé et ça arrivera encore. » Les pigistes sont rémunérés à la pige. « Il rédige 1,12 feuillet par semaine. Il n’est pas aux conférences de rédaction, n’a pas de bureau, il est invité à deux évènements par an, comme tous les pigistes. » L’argument massue : Perez signe ses papiers, ce que quasi aucun pigiste ne fait. « Il signe ses articles parce que c’est une critique, c’est un avis subjectif ; ce sont les seuls pigistes qui sont autorisés à le faire. » Ce qu’il perçoit correspond à environ 50% du salaire conventionnel ? Il fournit 1/4 de la moyenne des journalistes permanents », rétorque-t-elle. Simple pigiste ou journaliste permanent ? L’enjeu est de taille pour Mathieu Perez, son salaire pouvant passer du simple au double. Le Conseil tranchera le 8 janvier.
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Marianne Leloup-Dassonville : l’avocate qui lutte contre la déshumanisation des personnes étrangères
Marianne Leloup-Dassonville : l’avocate qui lutte contre la déshumanisation des personnes étrangères
Depuis dix ans, cette avocate a fait du droit des étrangers un engagement personnel. Dans un petit livre percutant, France, terre d’écueils (aux éditions Rue de l’Échiquier), Marianne Leloup-Dassonville revient sur les idées reçues circulant sur ces personnes, explique le parcours du combattant (ce n’est pas un euphémisme) qu’elles traversent et voit en le droit un recours… pas toujours assez efficace. Entretien. Actu-Juridique : Comment est née l’idée de ce livre et comment en êtes-vous arrivée à travailler au service des personnes vulnérables que sont les personnes migrantes ? Marianne Leloup-Dassonville : J’ai écrit ce livre car je pensais qu’il était nécessaire. Je vois bien que, quand je parle de mon métier avec des gens, ça les intéresse de comprendre ce que je fais, même si on ne partage pas les mêmes opinions. En face-à-face, je peux réussir à changer les idées des gens sur le sujet de l’immigration. Alors quand on m’a proposé d’écrire ce livre, j’y ai vu l’occasion de le faire d’une manière un peu plus efficace et à plus grande échelle. Trois éléments principaux m’ont amenée à ce métier – même si c’est le chemin de toute une vie. La première, c’est mon rapport familial à la question de l’exil. J’ai un nom extrêmement français, ma famille est d’origine française depuis des siècles, mais ma mère et mes grands-parents sont nés au Maroc. Ils étaient des Français au protectorat. Avec toute la distance que je peux mettre avec l’histoire de la colonisation, j’ai vu l’impact que le déracinement avait eu sur mon histoire familiale, sur au moins ces deux générations. Quand ils sont arrivés en France, aussi blancs et catholiques qu’ils étaient, on leur a dit qu’ils étaient venus voler le travail des « vrais » Français. Ce qui me fait dire qu’on est toujours l’étranger de quelqu’un. La deuxième chose est mon cheminement intellectuel, cette tentative de comprendre le processus de déshumanisation des personnes qui sont un peu en marge de la société, que ce soient les personnes sans-abri ou ceux que l’on appelle les migrants. Enfin, l’actualité de ce sujet. J’ai commencé à m’engager en faveur des personnes migrantes en 2015, au moment où l’on parlait beaucoup de la crise migratoire, et il m’a semblé évident que ce sujet allait s’ancrer, pour très longtemps, dans nos quotidiens. De ce fait, l’autre évidence a été de m’investir. AJ : Pourquoi le droit, brandi comme un rempart à l’autoritarisme, devient-il, pour les personnes migrantes, un des rouages de leur déshumanisation ? Marianne Leloup-Dassonville : Le droit est toujours le reflet d’un projet de société. Notre droit actuel de l’immigration, qui se caractérise en France par une multiplicité de lois, de règlements, de circulaires, vient avec un projet de société. L’autre facteur est budgétaire. L’administration des étrangers n’est pas la seule à être en sous-effectif et sous-budgétée ; on assiste à un effondrement de tous les services publics en France, y compris à destination des Français. Mais la différence est que si, nous Français, devions renouveler notre carte d’identité, notre passeport, et attendre un an sans document qui prouve notre identité, sans pouvoir voyager ou travailler pendant cette période, nous sentirions un peu ce que l’on impose aux personnes étrangères… Dans le livre, c’est ce que j’essaie de faire entendre aux lecteurs. Je ne comprends pas qu’on ne soit pas touché par la situation de personnes qui cherchent seulement – et ont le droit – à vivre décemment, correctement. Mais pour ceux que ça laisserait indifférents, j’ai essayé de maintenir un équilibre avec la question économique, qui est centrale. Car, au regard du coût financier des expulsions pour nos États, les pertes que cela cause – puisqu’on renvoie des gens qui créent de l’emploi, qui cotisent sans même toucher la sécurité sociale, ni les prestations sociales ni le chômage – de les renvoyer dans leur pays d’origine n’ont pas de sens en plus d’être un traitement inhumain. Mais après tout, le racisme et la xénophobie ne sont pas basés sur des faits rationnels… Et, au-delà de la question économique, ils jouent sur les plus bas instincts de l’être humain, la peur, encore plus facilement ressentie dans un contexte de politique ultralibérale. Et puis, appliquer une telle politique migratoire est une façon de garder les personnes étrangères sans papier sous cloche, puisqu’ils constituent une main-d’œuvre extrêmement malléable, car extrêmement vulnérable. Quand un député a évoqué récemment la possibilité de régulariser en masse des sans-papiers, il m’a glissé que les organisations syndicales s’y opposaient. Ce ne sont évidemment pas les petits patrons (restaurants, construction), car eux risquent gros financièrement et pénalement, mais de très gros groupes de construction qui ont recours à des sous-traitants, et qui sont donc en dehors des chaînes de responsabilité. Eux ne voient que des avantages à faire perdurer ce système. Ce faisant, cela permet aussi de garder tous les salaires plus bas dans tous les secteurs, y compris pour les travailleurs français. Ce n’est une aubaine que pour le capitalisme le plus débridé. AJ : Chaque chapitre se base sur le parcours d’une personne que vous avez accompagnée. Certains passages sont poignants. Vous montrez par exemple comment les supposés mariages blancs violent l’intimité de vrais couples… Marianne Leloup-Dassonville : Je fais un peu l’analogie avec des victimes de violences sexistes et sexuelles, avec cette sorte d’inversion de la charge de la preuve. Les victimes sont l’objet d’une suspicion généralisée, tout comme les étrangers. Et si la fraude est avérée, c’est dans des pourcentages extrêmement faibles, et dans les mêmes proportions que la fraude constatée dans tous les autres domaines. En gros, il n’existe pas de surreprésentation de la fraude chez les personnes étrangères ! Si l’on parle des couples mixtes, la réalité, c’est que des Français sont touchés. À chaque fois, un conjoint français est touché par cette suspicion, et souvent il débarque : les étrangers ont un peu l’habitude de ne pas être bien traités par le système français, mais un Français, quand un gendarme lui demande s’il accepte de faire un test ADN pour prouver que son enfant est le sien, il hallucine ! Je pars du principe que si un homme assiste à tous les rendez-vousavec le pédiatre d’un nourrisson, il s’agit vraiment de son père… Chaque année, on nous rajoute des lois, des dispositions, qui viennent alimenter encore davantage les peurs, alors qu’en fait cette fraude ne repose sur aucune réalité. D’ailleurs, c’est très intéressant en tant que juriste : d’un côté, il y a tous ces refus de visas, de titres, ces OQTF, qui vont avec ce message : « Vous n’êtes pas un vrai couple, vous ne vous aimez pas vraiment, Madame, vous vous êtes fait avoir, on va vous protéger », mais de l’autre côté, le ministère public ne lance pas les actions en annulation du mariage pour fraude, alors que ça serait la seule chose à faire ! La question est : pourquoi ne le font-ils pas ? Parce que ce ne sont pas des fraudes et qu’ils ne peuvent pas le prouver ! Retirer un titre de séjour, retirer le visa, balancer une OQTF, c’est juste la solution facile sans rien avoir à prouver. Par ailleurs, un ensemble de personnes ne recevront pas la décision car ils ont changé d’adresse. Conséquence : ils ne pourront pas la contester en temps utile, ne pourront pas trouver d’avocat ou n’en ont pas les moyens, ne vont pas comprendre que le délai d’un mois est dépassé (dans le cadre d’un recours amiable). De nombreuses personnes vont passer entre les mailles du filet. Pour le moment, ce sont des dossiers que je gagne, mais quelle fatigue, quelle fatigue ! Je prends des honoraires, cela dérange des magistrats. Si nous n’arrivons pas à faire une procédure en urgence, en sus de la procédure principale, cela a un coût pour mes clients – et je connais le prix de cet argent pour eux. Enfin, dans le système judiciaire français, ils vont devoir attendre un an. Parfois, je récupère des affaires en appel et le client attend depuis trois ans. Quelle perte de temps et d’énergie ! AJ : Ce que vos clients vivent est une succession d’obstacles. Comment comprenez-vous ce système oppressif ? Marianne Leloup-Dassonville : Il existe la théorie de l’environnement hostile, une théorie qui consiste à rendre impossible la vie des étrangers dans un pays jusqu’à ce qu’ils en partent. Cela a été utilisé au Royaume-Uni et, aujourd’hui, quand j’écoute les discours du ministre de l’Intérieur, j’ai le sentiment que c’est son projet politique. AJ : Dans ces conditions, que représentez-vous pour vos clients ? Quel lien établissez-vous avec eux ? Marianne Leloup-Dassonville : Justement, je prends ces dossiers et je m’adresse à eux avec beaucoup d’humanité. Je suis quelqu’un d’hypersensible, on pourrait penser que c’est un défaut, mais j’en ai fait une force dans mon métier. Et tout le cabinet est comme ça. Je pense que 80 % de mes clients pleurent dans mon bureau, et parfois ce ne sont pas les plus vulnérables qui craquent, car ils en ont vu d’autres et ils sont tellement traumatisés. Ce sont finalement des gens comme vous et moi, aux vies faciles, bourgeoises qui, tout à coup, se retrouvent avec une OQTF, sans comprendre pourquoi. On me demande souvent : « Est-ce que tu t’es endurcie ? » Non, non, non. Et je ne veux pas m’endurcir. Je veux garder ma capacité à être émue de ces situations ; il m’arrive d’avoir la larme à l’œil pendant une consultation, mais c’est assumé. Cela me rend une meilleure avocate avec eux, plus humaine. Et en audience, cette émotion se ressent. Je suis souvent assez en colère, et je pense que c’est assez important, alors qu’on est une matière où la procédure est plutôt écrite. Mais nous, nous plaidons tous nos dossiers. Nos résultats tournent autour de 80 ou 90 % de succès, contre 20 % en moyenne. Je pense que c’est parce que nous avons une très grande exigence technique et que nous préparons avec soin les audiences : coacher le client avant l’audience, le conseiller sur comment s’habiller, comment se comporter, etc., le préparer aux questions, demander de venir avec sa famille, ses employeurs. Un jour, pour un couple d’employés de maison, j’ai débarqué à une audience avec huit employeurs ! Le vigile du tribunal n’avait jamais vu ça. Même si on est dans une procédure écrite, ces trois magistrats qui voient les huit employeurs français soutenir ce couple, qui ont pris leur demi-journée pour venir au tribunal administratif, ce sont des choses qui comptent. Mais je suis en revanche d’une très grande franchise pour dire au client, dès le premier rendez-vous, les attentes réalistes qu’il peut avoir de la procédure. Parfois, il m’arrive de déconseiller de faire une procédure car je sais que cela ne va pas marcher. Parfois, je dois annoncer à des personnes qui sont en situation irrégulière en France depuis plusieurs années qu’en l’état du droit actuel je ne peux rien faire pour eux, ou pas avant plusieurs années. AJ : Vous pensez à quel cas de figure ? Marianne Leloup-Dassonville : Pour les personnes en situation irrégulière, la circulaire Retailleau impose maintenant d’attendre sept années de présence avant de demander une régularisation. Quelqu’un qui est là depuis quatre ans doit encore en attendre trois, tout en n’ayant jamais été l’objet d’une d’OQTF. Mais qui a passé quatre ans à travailler et à prendre des cours de français, sans subir une OQTF ? Il y a donc des gens qui viennent au cabinet, en vain : ils sont là depuis trois ans, sont exploités par des bailleurs peu scrupuleux qui leur font payer 500 à 800 euros de loyer par mois, avec des employeurs qui en profitent. J’ai rencontré par exemple pas mal de Philippines qui sont venues avec des familles des Émirats arabes unis. Elles étaient de véritables esclaves domestiques, étaient victimes de traite d’êtres humains. Mais, à moins de porter plainte, c’est très difficile à prouver ; d’autant plus que ces familles, riches et puissantes, sont souvent reparties. En attendant qu’elles atteignent les sept ans, je leur donne des conseils, je leur rappelle de collecter un certain nombre de documents, de trouver un travail (éventuellement dans un secteur en tension), etc. Parfois, ces clients me serrent dans les bras alors que je n’ai aucune solution à offrir : ils sont juste heureux de la qualité d’écoute et de la levée de l’incertitude. Ça, je l’entends très souvent : « Ah, maintenant je sais ». AJ : Vous choisissez de ne pas travailler pro bono . Pourquoi ? Marianne Leloup-Dassonville : Je connais évidemment le coût de l’argent pour ces personnes. Dans ma façon de travailler, je fais toujours un premier rendez-vous que je facture. C’est ce qui me permet de prendre le temps de le faire correctement, et la liberté de dire : « Vous n’avez pas besoin de moi ». Et ce n’est jamais de l’argent mal placé, de se faire conseiller. Ce n’est pas quelque chose qu’on valorise chez les Français, qui ont du mal à se dire qu’ils vont payer pour du conseil. C’est une mission qui nous dépasse. J’ai des clients qui me disent : « Je ne crois plus qu’en Dieu et en vous ». Parfois, des années plus tard, je reçois encore des messages sur WhatsApp, mais il est important pour notre santé mentale d’instaurer une mise à distance. Une fois l’affaire terminée, on ne peut plus s’investir autant. Quand il nous arrive de perdre, on a la certitude d’avoir fait le maximum à chaque fois. Nous avons bien conscience d’être des sortes de Don Quichotte qui nous battons contre un moulin à vent, c’est-à-dire un système de plus en plus maltraitant pour les personnes étrangères. AJ : Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Comment expliquer des démarches parfois compliquées ? Marianne Leloup-Dassonville : Je dis aux stagiaires ou aux collaborateurs et collaboratrices du cabinet qu’elles doivent être capables d’expliquer à quelqu’un sa procédure, la façon dont l’affaire va être jugée, que ce soit à une personne sans papier qui ne sait ni lire ni écrire, un oligarque russe ou un Indien qui détient trois PhD. C’est un talent ! Cela impose de se mettre dans les baskets de la personne, et de manière générale de déployer des trésors de patience. Et ceux qui, parfois, nous parlent le plus mal, sont les plus tatillons, sont souvent les plus éduqués ! AJ : Comment avez-vous choisi les personnes dont vous parlez dans le livre ? Marianne Leloup-Dassonville : J’ai choisi les sujets, de manière pas du tout exhaustive, car j’ai pensé qu’ils focalisaient l’attention des médias, mais sans que les gens les connaissent bien en réalité. Je voulais donner des exemples concrets qui sont autant d’occasions d’expliquer le droit. Les cas me sont venus assez naturellement, car j’ai été marquée par ces personnes, par leur chemin. Mon ambition, c’est d’expliquer le droit et de réhumaniser les trajectoires.
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Application du principe [i]non bis in idem[/i] entre deux États membres
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Seul le créancier agissant bénéficie de l’interruption de la prescription
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Nuit du droit et bilan 2024, succès et difficultés de l’AGRASC
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Mise en place d’une vérification automatique des bénéficiaires de virements bancaires
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Maintien à disposition de la justice de l’étranger placé en rétention : abrogation constitutionnelle du délai de 24 heures et résurrection transitoire du délai de 6 heures
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De la preuve de l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable
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Arrestation, enlèvement et séquestration : caractérisation d’un trio d’infractions distinctes
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Assurance de responsabilité civile : plafond de garantie unique durant le délai subséquent
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FLASH : L’ex-député Joachim-Eva Son-Forget condamné à huit mois de sursis
FLASH : L’ex-député Joachim-Eva Son-Forget condamné à huit mois de sursis
Il était député, il est désormais SDF et doit rendre des comptes à la justice en raison de son comportement. Un premier jugement vient de condamner Joachim-Eva Son-Forget à du sursis. Joachim-Eva Son-Forget (Photo : G. Garitan) La course effrénée dans Paris de l’ex-député Joachim Son-Forget, devenu Eva depuis sa transition de genre en novembre 2024, a été sanctionnée par huit mois de prison avec sursis, contre dix requis la semaine dernière (voir notre article du 2 octobre ici ). Les juges du tribunal correctionnel de Paris n’ont pas voulu trop accabler le neuroscientifique et radiologue à la dérive – il se dit sans domicile fixe. D’autant moins qu’il comparaîtra de nouveau pour vol de deux robes et d’une veste dans le bureau de la députée Manon Bouquin (RN), commis le 25 mai à l’Assemblée nationale. Samedi 15 juin 2024 vers midi, sous emprise de cocaïne, Eva Son-Forget avait traversé en Mercedes les VI e et VII e arrondissements parisiens devant la police lancée à ses trousses. Roulant à toute vitesse, la conductrice avait percuté une voiture en stationnement, puis slalomé entre les piétons et les cyclistes. Avant son interpellation, elle avait brandi une cocarde tricolore d’élue, périmée depuis son échec aux législatives de 2022.
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Assises. Une femme transsexuelle tue une rivale : « Je viens de crever cette pute »
Assises. Une femme transsexuelle tue une rivale : « Je viens de crever cette pute »
La cour d’assises de Paris juge à partir d’aujourd’hui William Maurice, alias Soraya, pour le meurtre de Xavier Kelenda, dit Angie Kompressor. Le 11 août 2022, dans le XVIII e arrondissement parisien, ces prostituées transgenres ont eu une altercation et la première a poignardé la seconde. Mais Soraya assure qu’elle n’avait pas l’intention de tuer Angie. Entrée de la salle des Assises (Photo : ©O. Dufour) Ni les enquêteurs du 2 e district de police judiciaire ni le juge d’instruction ne sont parvenus à établir le mobile du crime perpétré à Pigalle, ce quartier « chaud » de Paris qui attire les touristes et les prostitués. Il semblerait que l’accusé William Maurice, une femme transsexuelle âgée de 28 ans qui est devenue Soraya, ait juste souhaité récupérer un bout de trottoir, boulevard de Clichy. Jeudi 11 août 2022, à 2 heures, s’y trouvait une rivale transgenre, Xavier Kelenda dite Angie Kompressor. Avec son ami Chico, perdu de vue depuis des années, Angie venait de fêter leurs retrouvailles au bar « Les Noctambules » et ne comptait pas vendre ses charmes. Une méprise serait à l’origine du drame que vont étudier durant trois jours les magistrats et jurés de la cour d’assises de Paris. Soraya Maurice, une Martiniquaise sans profession, séropositive et addict au crack, encourt 30 ans de réclusion criminelle. Toutefois, sa défense veut plaider les « coups mortels ». Les débats ne porteront que sur ce point, la mise en examen pour « meurtre » ne contestant que l’intention homicide, comme elle l’a déjà affirmé devant la chambre de l’instruction. Celle-ci n’a pas fait droit à sa requête mais une requalification reste possible à l’issue de l’audience. Elle a « les tripes qui sortent » de son ventre Angie Kompressor et Chico ont dîné dans un kebab, et poursuivi leur belle soirée amicale aux Noctambules. À la fermeture du bar, ils discutent sur le boulevard de Clichy, à l’angle qu’il forme avec la rue Germain-Pilon. La femme transsexuelle a consommé de l’alcool, sniffé de la cocaïne, avalé des produits psychoactifs qui tranquillisent ou stimulent l’organisme. Les témoins expliqueront tous qu’Angie ne cherchait pas d’embrouille. Tous aperçoivent au contraire une femme transsexuelle agressive traverser en trombe l’avenue et se précipiter sur Angie. « Tiens, voilà cette folle », se dit Achraf qui va au bureau de tabac. « Je dis ça parce qu’elle crie beaucoup, qu’elle fait du bruit et dit fort qu’elle est fière d’être trav », expliquera-t-il aux policiers. Achraf, Chico, Hassan et Djakaridja rapportent « une brève altercation », des « insultes » – « je vais niquer ta mère », « tu fais même pas un euro par jour », – puis l’agresseur, « une femme travestie de type africain », qui fuit quand Angie Kompressor tombe à la renverse. « Elle m’a plantée », a-t-elle le temps de murmurer à l’oreille de Chico. Lequel alerte les secours. L’état de la victime est alarmant : elle a « les tripes qui sortent » de son ventre. À 5h06, le chirurgien de l’hôpital Lariboisière prononce le décès d’Angie. La lame pointue de huit centimètres, retrouvée dans un buisson, a « traversé l’abdomen » puis « atteint l’estomac et un rein ». Soraya Maurice s’est volatilisée sur une trottinette et a fini par sauter dans un taxi. L’excellent réflexe de deux témoins   Hassan et Djakaridja ont assisté à l’algarade « de deux à trois minutes » et ont remarqué que l’attaquante avait jeté sa flasque de rhum et son couteau dans les buissons du terre-plein central. Ils l’ont entendue dire à plusieurs reprises : « Je viens de crever cette pute ». Ils engagent des recherches dans les massifs, retrouvent les deux objets porteurs de l’ADN du criminel, les remettent aux enquêteurs. Cet excellent réflexe permet d’identifier Soraya, aussi confondue par la vidéosurveillance et la reconnaissance sur planche photographique. Soraya Maurice est arrêtée le 13 septembre 2022, moins d’un mois après le drame. En garde à vue, elle nie être liée à cette agression, et se répand plus volontiers sur sa transsexualité, sa vie de prostituée, sa consommation de crack « depuis neuf mois » et son goût pour « l’alcool fort ». Devant le juge, lors de l’interrogatoire de première comparution, elle maintient sa version et ne craquera qu’une fois en détention. Le 13 janvier 2023, elle avoue avoir pris « beaucoup de crack » durant la journée et la soirée, du vin mousseux, « une plaquette de Valium » pour contrecarrer les effets de la descente. Après « une passe », elle a acheté sa flasque de rhum et s’est disputée avec une femme « qui avait le dessus, qui était assez forte ». Soraya mesure 1,70 mètre et pèse 60 kilos ; Angie affiche 1,85 mètre et 101 kilos. « J’ai eu peur. J’ai sorti mon couteau pour la faire reculer (…) J’ai fait un mouvement, elle a avancé au même moment. J’ai vu qu’elle ne se sentait pas bien et j’ai fui. » La prostituée s’est sentie « dépitée », néanmoins « rassurée » de voir Angie Kompressor « entourée. Je suis allée m’assoir sur un banc, j’ai vu un mec, je crois que j’ai dit : “Je l’ai crevée, cette pute”. Après, je suis en état de choc, je pars en voiture ». Soraya se fait déposer Porte de la Chapelle : « J’ai continué à me droguer. » William devient Soraya à 10 ans, se prostitue à 13   En décembre, la mise en cause est entendue une dernière fois par le juge : « Je n’ai pas voulu lui porter de coup de couteau. J’ai juste voulu l’effrayer en mimant le geste », confie-t-elle. Soraya impute l’altercation à Angie, qui « m’a porté des coups de poing au visage et à la tête ». Aucun des témoins ne corrobore ses déclarations, ni la reconstitution en présence du légiste : il exclut que la victime « se soit empalée sur la lame » et ait pris part à une bagarre, ses mains ne présentant pas de lésions. Depuis le crime, Soraya Maurice est en détention préventive. En août 2024, ses deux avocates ont demandé une requalification de l’infraction, en vain. En prison, l’accusé a été vue par une enquêtrice de personnalité à qui elle a raconté sa misérable existence : parents alcooliques, drogués, violences, y compris dans les foyers où le jeune William a été placé, sa transition en Soraya à 10 ans, un proxénète qui la jette à la rue trois ans plus tard. S’ensuivent une contamination par le VIH, la séropositivité, la dépendance à la cocaïne, l’arrivée en métropole, cinq condamnations pour violences, le crack et l’errance. Son incarcération ne se passe pas mieux : elle a cumulé 14 incidents et plusieurs tentatives de suicide. La psychiatre l’estime « franchement borderline » avec « une dysphorie de genre » et « des addictions sévères ». Son pronostic est « défavorable ». La psychologue souligne « la récurrence d’épisodes dépressifs », l’instabilité et l’impulsivité du sujet, sa transsexualité apparaissant en lien avec le vécu traumatique dans la sphère familiale. Soraya Maurice dispose de trois jours pour persuader la cour et les jurés qu’il ne s’agit que d’un fâcheux concours de circonstances.
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Sophie Lemaître : « Le droit est parfois utilisé pour faire taire »
Sophie Lemaître : « Le droit est parfois utilisé pour faire taire »
Docteure en droit, Sophie Lemaître est passée par différents postes, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture à Rome (Italie), à l’association Sherpa à Paris (France) sans oublier encore le centre de recherche U4 Anti-Corruption Resource Centre à Bergen (Norvège). Dans «  Réduire au silence, comment le droit est perverti pour bâillonner médias et ONG  » (éd. Rue de l’Échiquier), Sophie Lemaître analyse le phénomène du «  lawfare  » ou « guerre par le droit », qui vise à faire taire les voix dissidentes des activistes ou journalistes. La France n’est pas épargnée par le phénomène. Rencontre. Actu-Juridique : Comment est née l’idée de cet essai ? Sophie Lemaître :  Cet essai résulte d’un processus long de plusieurs années. La première fois que j’ai été sensibilisée au fait que le droit pouvait servir à museler, c’était en 2011. Cette année-là, le livre «  Noir Canada  » [qui dénonce les abus commis par des multinationales canadiennes en Afrique, NDLR], écrit par Alain Deneault, Delphine Abadie et William Sacher, est interdit de vente à la suite d’une action en justice initiée par l’entreprise Barrick Gold. C’était une pure procédure-bâillon. J’étais jeune mais je m’en souviens bien, car j’ai été marquée par le fait que ce livre avait purement et simplement disparu des rayons. J’ai d’ailleurs dans ma bibliothèque l’un des derniers exemplaires. J’ai ensuite travaillé pour l’association Sherpa. Pendant mes années là-bas, l’association a été poursuivie par Vinci Construction Grands Projets. L’entreprise visait non seulement l’association mais aussi certains de mes collègues. Là encore, cela m’a marquée : je me rappelle qu’en interne, on s’inquiétait de devoir fermer si jamais nous étions condamnés en diffamation. Par ailleurs, dans ma vie professionnelle, j’ai connu de nombreuses personnes qui ont fait l’objet de poursuites. Je pense notamment à un membre de mon jury de thèse, Laurent Neyret, poursuivi en justice pour avoir publié un commentaire d’arrêt au sujet d’une entreprise spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets industriels qui a été condamnée. J’ai ensuite entendu parler des lois sur les agents de l’étranger ou encore de la manière dont les législations anti-blanchiment sont utilisées contre les journalistes. Enfin, la découverte du concept de «  lawfare », de guerre par le droit, m’a amenée à la conclusion que le droit peut effectivement devenir un instrument pour empêcher celles et ceux qui publient des informations d’intérêt général de s’exprimer. Si le sujet est connu des personnes qui peuvent être poursuivies et subir ces attaques juridiques, ainsi que de leurs proches, le grand public n’est pas suffisamment informé. C’est ce qui m’a donné envie d’écrire cet essai. Je voulais alerter, sensibiliser, informer sur ces pratiques extrêmement dangereuses. Il me semble indispensable que les citoyens connaissent les dangers qui pèsent sur la liberté de la presse et d’association, mais aussi sur les magistrats et les avocats. Ces attaques se font à bas bruit, on n’en entend pas parler au quotidien, pourtant elles sont bien là. Parfois, comme cela a été le cas lorsque la journaliste d’investigation, Ariane Lavrilleux a été placée en garde à vue en 2023 [pour atteinte au secret de la défense nationale, NDLR], il y a eu une attention particulière à ces sujets, mais le plus souvent ce n’est pas le cas. J’ai trouvé des cas partout dans le monde. Mais, concernant la France, je ne m’attendais pas à autant d’attaques. AJ : Vous dites que nous sommes à un tournant : vous constatez donc une aggravation de la situation et des attaques ? Sophie Lemaître :  Il y a des raisons de s’inquiéter. En France, nous sommes à deux doigts de basculer. Nous avons déjà des lois qui peuvent être utilisées pour museler journalistes et associations. On assiste à des attaques à l’encontre des magistrats qui ont à juger des affaires de délinquance économique et financière touchant des personnalités politiques de premier plan (le débat sur la condamnation de Nicolas Sarkozy en est un exemple). Des chercheurs et des pans entiers de la recherche sont ciblés. Les cas de la Hongrie, de l’Italie, de la Slovaquie, sans parler des États-Unis, nous montrent qu’il est très facile de passer d’une démocratie à une démocratie illibérale voire à un régime autoritaire. Les restrictions budgétaires réduisent également le champ d’action des citoyens, des associations, ou encore de la justice. En outre, l’indépendance des institutions est progressivement remise en cause. Les voyants sont déjà à l’orange, voire au rouge… On n’en est pas encore à un point où on ne peut plus rien faire. Il est possible de riposter. D’ailleurs, les associations se mobilisent, les journalistes collaborent en réseau, et continuent coûte que coûte de nous informer, de nous alerter. Je pense notamment à l’Observatoire des atteintes à la liberté de la presse ou encore à l’Observatoire des libertés associatives qui nous permet de quantifier et d’objectiver toutes les atteintes à la liberté de la presse et la liberté d’association. Il me semble que les citoyens soutiennent ces initiatives mais nous avons cruellement besoin que les sénateurs et députés s’expriment sur ces sujets, qu’ils rappellent à quel point la liberté de la presse et d’association est essentielle. AJ : On a longtemps parlé de la France comme de la patrie des droits de l’Homme. Pensez-vous qu’on soit dans une forme de déni ? Sophie Lemaître :  C’est vrai, il existe cette croyance en la France, pays des droits de l’Homme, belle et solide démocratie, donc je crois qu’on a du mal à concevoir que chez nous, aussi, il existe des pratiques inacceptables. Par ailleurs, nous sommes tellement submergés par les informations sur les guerres, en Ukraine, à Gaza, par les soucis de nature économique, il y a aussi tant de personnes qui au quotidien se battent pour vivre dignement, que la liberté de la presse peut sembler secondaire. Cet ensemble de facteurs fait que l’on ne se rend pas compte du grignotage progressif de nos libertés. Enfin, la manière dont les personnalités politiques parlent des journalistes ou des militants jouent sur la perception que l’on a d’eux. Je pense aux défenseurs de l’environnement qui sont traités d’écoterroristes ou de « Khmers verts ». Cette rhétorique agressive discrédite et envoie un message négatif au sujet de personnes qui défendent la planète et souhaitent que l’on vive mieux. Cela permet de justifier la répression ou la violence utilisée à leur encontre. De la même manière, quand la presse couvre des mouvements de désobéissance civile ou des manifestations, des journalistes se font arrêter, agresser, placer en détention, voire sont poursuivis. Et la manière dont on présente leur travail, en les discréditant ou en les traitant de militants, joue négativement sur la perception du citoyen, en donnant l’impression que les journalistes épousent les causes qu’ils décrivent, alors qu’ils documentent et informent. AJ : Avez-vous eu vous aussi du mal à travailler, vu le sujet sensible que vous décortiquez ? Sophie Lemaître : Par chance, il y a énormément d’informations disponibles en ligne. Je suis très reconnaissante aux journalistes et aux associations qui parlent abondamment des techniques de répression et d’intimidation dont ils font l’objet. Les échanges que j’ai eus avec les personnes que je connaissais et celles que j’ai interviewées pour le livre m’ont beaucoup apporté. Je me suis principalement basée sur des sources ouvertes. Est-ce que je me suis posé la question du risque de poursuite en diffamation ? Oui, bien sûr, mais je décrypte des pratiques, je n’accuse pas telle ou telle entreprise ou personnalité. Cependant, ce risque a eu une influence sur mon travail d’écriture et j’ai recoupé précisément les informations. Ainsi, mes notes de bas de page sont des invitations à aller plus loin afin que les lecteurs consultent directement les sources. AJ : Le type d’attaques évolue-t-il ? Sophie Lemaître : Je suis sûre d’une chose : je n’ai eu accès qu’à une fraction de ce qui existe. Les pratiques bougent. Aujourd’hui, on va utiliser tel argument juridique pour attaquer la liberté de la presse, mais demain on fera appel à une autre technique. Initialement, les poursuites-bâillon se résumaient à des plaintes en diffamation, mais maintenant d’autres infractions sont utilisées. S’agissant de la diffamation, des dommages et intérêts très élevés étaient exigés. Désormais, certains vont demander un euro symbolique et dire : « Vous voyez, ce n’est pas une procédure-bâillon ». Mais la procédure-bâillon ne se définit pas seulement par le montant des dommages et intérêts. On prend en compte un ensemble d’indicateurs pour déterminer si l’on est face à une telle poursuite. AJ : Les stratégies évoluent donc… Pourquoi moins demander de dommages et intérêts ? Sophie Lemaître :  Certains plaignants (entreprises, personnalités politiques ou du milieu des affaires) ne vont plus demander des centaines de milliers d’euros ou des millions d’euros car cela leur permet de communiquer, de montrer leur « bonne foi » et d’affirmer que la poursuite qu’ils ont lancée n’est pas une procédure-bâillon. Sauf que la définition de la procédure-bâillon prend en compte, non seulement le montant des dommages et intérêts mais aussi l’intérêt public du sujet, le rapport de force entre le plaignant et le journaliste ou le média poursuivi, la multiplication des recours par le plaignant ou encore s’il est familier des poursuites… La diffamation reste l’infraction la plus utilisée, mais les entreprises ou les personnalités peuvent aussi utiliser d’autres fondements comme le dénigrement. Par exemple, l’association de défense des océans, Bloom, fondée par Claire Nouvian, fait l’objet d’une plainte en dénigrement déposée par le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins et 12 comités régionaux et départementaux des pêches maritimes. Ils demandent à l’association 646 000 euros de dommages et intérêts. Le montant est conséquent pour une ONG. AJ : Vous insistez aussi sur la dimension psychologique et émotionnelle de ces attaques… Sophie Lemaître :  Dans le livre, je décris l’impact de ces attaques sur les premiers concernés mais aussi sur les autres. Attaquer, ce n’est pas seulement dissuader, intimider la personne ou l’institution en question, mais c’est aussi envoyer une mise en garde à d’autres : « Attention, si vous écrivez sur ce sujet-là, vous risquez aussi de faire l’objet d’une action en justice ». Et oui, l’impact psychologique et émotionnel est extrêmement fort, l’impact financier aussi. Le résultat, c’est que les personnes ou les organisations poursuivies ne peuvent plus faire leur travail car elles doivent passer leur temps à se défendre. La charge de la preuve leur incombe, donc elles doivent prouver qu’elles n’ont pas diffamé, dénigré ou violé la vie privée. C’est un travail de titan que de constituer un dossier de défense. À cela s’ajoutent des délais, peut-être des demandes de report, et la procédure peut durer des années entre la décision en première instance, l’appel, voire la cassation. Dans le livre, je cite le journaliste britannique, Tom Burgis. Il se demandait pourquoi des journalistes britanniques décidaient de ne pas publier lorsqu’ils recevaient un courrier de cabinet d’avocats les menaçant de poursuites. Et puis il a lui-même fait l’objet d’une poursuite en diffamation. C’est alors qu’il a réalisé l’impact d’une telle expérience, voilà ce qu’il en dit : « Vous risquez d’être humiliés sur la place publique. Des lettres sont envoyées à votre rédacteur en chef, à votre éditeur et à votre avocat et vous êtes présenté comme quelqu’un de monstrueux, d’intrigant et de corrompu ». AJ : Sait-on quand le phénomène a commencé ? Sophie Lemaître : Je ne pense pas qu’il y ait d’ouvrages ou de rapports précis sur l’historique, mais je pense que cela fait à peu près 10-15 ans que le droit est utilisé pour museler. Ce n’est pas un hasard, cela correspond à l’évolution politique globale à travers le monde qui prend un tournant de plus en plus sécuritaire et réactionnaire. Cela se fait petit à petit. Et puis les États se copient les uns les autres. Je pense à la loi sur les agents de l’étranger. La première loi date de 2012 et vient de Russie. En 2013, l’Azerbaïdjan a adopté une loi similaire, puis la Biélorussie en 2015 ou encore le Nicaragua en 2020 et plus récemment en 2024 en Géorgie et en 2025, en Slovaquie. En 2017, la Hongrie a adopté une loi sur les agents de l’étranger mais la Cour de justice de l’UE a considéré que cette loi était contraire au droit de l’UE. À la suite de ce jugement, la Hongrie a adopté d’autres lois qui sont toutes aussi restrictives. L’objectif de ces lois est de bâillonner et d’empêcher la presse et les associations de faire leur travail. AJ : L’exemple américain est vertigineux ! Sophie Lemaître : Oui, et tout s’est passé extrêmement rapidement ! Les premiers décrets ont été signés dès les premiers jours de la prise de fonction de Donald Trump. En France, du fait de notre système juridique, cela ne pourrait pas se passer aussi rapidement. En Italie, par exemple, le changement commence à être documenté, bien qu’il se fasse progressivement. Les présidents de l’équivalent de Radio France ou de France Télévision sont remplacés, des proches du gouvernement de Giorgia Meloni sont nommés à la tête d’autorités indépendantes, des militants et des journalistes ont été espionnés par un logiciel espion, les associations sont la cible d’attaques verbales tout comme les journalistes. Les libertés sont aussi grignotées petit à petit. Différentes lois sécuritaires adoptées en 2024 et 2025 visent spécifiquement les actions de désobéissance civile menées par les défenseurs de l’environnement. Cela ne touche qu’une petite partie de la population, mais d’ici à quelques années, les Italiens verront les conséquences de ces attaques. Et il sera alors beaucoup plus difficile de regagner ces libertés. L’exemple italien doit nous alerter. AJ : Parfois on a le sentiment de véritables stratégies, non ? Sophie Lemaître : S’agissant des poursuites-bâillon , il est difficile d’affirmer qu’il y a une stratégie ou une intention mais on voit, par exemple, que le premier réflexe lorsqu’on est mentionné dans un article ou un rapport qui ne nous plaît pas est d’aller en justice. Pour les entreprises et les milliardaires, de telles démarches judiciaires ne coûtent pas grand-chose alors que pour un chercheur, journaliste ou lanceur d’alerte, c’est l’inverse. Dès que des informations dérangent, certains acteurs ont le réflexe de poursuivre plutôt que de demander un droit de réponse, ou par exemple de publier un contre-rapport. Il faut avoir en tête que ces actions en justice ne sont pas nécessairement lancées dans le but de gagner mais plutôt dans celui d’épuiser l’autre, d’autant que la plupart du temps les journalistes sont relaxés au titre de la bonne foi en raison du sérieux de l’enquête et de l’intérêt public du sujet. AJ : Pourquoi parler de ces attaques est-il plus que jamais nécessaire ? Sophie Lemaître : Parce que sans information, sans le travail des journalistes, comment pourrions-nous prendre des décisions en toute connaissance de cause ? Les attaques par le droit menacent la liberté de la presse, la liberté d’association et la liberté d’expression, et plus largement l’État de droit et notre démocratie. Le fait d’en parler est essentiel. Cela n’empêchera pas d’être poursuivi, mais cela générera du soutien des citoyens, de l’indignation. C’est le meilleur rempart contre un monde du silence que l’on tente de nous imposer.
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Droit général d’accès à une messagerie de l’administrateur réseau et maintien frauduleux dans un STAD
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Travail dissimulé : entrée en vigueur de l’article L. 133-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1827
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