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La crise ou la stase ?
La crise ou la stase ? hschlegel mer 08/10/2025 - 17:32 En savoir plus sur La crise ou la stase ? « Politique, économique, institutionnelle : la crise semble omniprésente… Mais sommes-nous vraiment dans un régime de crise ?  [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. C’est la grande fatigue ! Le scénario semble digne d’une série à rebondissements depuis que Sébastien Lecornu a remis sa démission, avant de mener de nouvelles négociations sous ultimatum du président, qui menace lui-même de “prendre ses responsabilités” en cas d’échec. Tremblez… En réalité, l’histoire semble suffisamment répétitive pour lasser, après des mois d’atermoiements, à la recherche d’un gouvernement voire d’une politique. Peut-on parler de crise sans fin ? L’idée de “permacrise”, de crise permanente, s’avère contradictoire. La krisis désigne en effet, étymologiquement, un moment de décision, de séparation, qui permet de trancher. La crise pour les Grecs est salvatrice : elle met un terme à un moment de confusion. La crise d’adolescence nous fait par exemple sortir de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte, avec plus ou moins de bonheur. Progressivement, le mot en est cependant venu à désigner non la tension vers la résolution, préparant sa sortie, mais le chaos lui-même. Pour Paul Ricœur, la crise contemporaine renvoie ainsi à un flottement temporel et existentiel. Comme il l’analyse dans un essai sur la crise, repris dans Politique, Économie et Société, “lorsque l’espace d’expérience se rétrécit par un déni général de toute tradition, de tout héritage, et que l’horizon d’attente tend à reculer dans un avenir toujours plus vague et plus indistinct, seulement peuplé d’utopies ou plutôt d’‘uchronies’ sans prise sur le cours effectif de l’histoire, alors la tension entre horizon d’attente et espace d’expérience devient rupture, schisme”. Bref, la crise contemporaine s’engouffrerait dans l’abîme creusé entre déstabilisation et immobilisme, entre le présent qui se dérobe et l’avenir qui s’efface. Crise de régime ou régime de crise ? La crise contemporaine renvoie donc à l’indécision. Elle ne présente pas d’issue. “La perte des repères du jugement, l’épuisement des réponses traditionnelles quant aux orientations vers l’avenir, l’intensification de l’accélération, la perception d’une incertitude portée à un point extrême : ces caractéristiques affectent la quasi-totalité de notre expérience contemporaine”, précise la philosophe Myriam Revault d’Allonnes dans La Crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps (2012). “Nous sommes fondés à nous demander – sans pouvoir y répondre de façon satisfaisante – si elles marquent un seuil d’époque ou si elles radicalisent et exacerbent le régime de crise qu’est structurellement la modernité.” De même, la crise que nous traversons, manifestée par la valse des gouvernements, prépare-t-elle l’émergence d’un nouveau monde – comme une sixième République ? Ou cette instabilité sans mouvement, où tout bouge sans que rien ne change depuis des mois, est-elle amenée à devenir notre condition ? Le cas échéant, nous pourrions nous inspirer des Grecs pour nommer l’époque. Dans La Cité divisée (1997), l’helléniste Nicole Loraux s’intéresse en effet à la stasis. Cette notion intraduisible désigne à la fois “agitation et immobilité”. Elle recouvre des “conflits immobilisés”. L’autrice le souligne : “D’un mot qui désigne l’immobilité stable, on passe à une notion qui implique désordre et confusion : la cité se divise, s’affronte à elle-même et, très vite, comme dans la mêlée homérique devenue furieuse, on ne sait plus à quel camp appartiennent les ennemis.” Mais curieusement, cette tentation de la guerre civile se trouve être aussi un “ciment de la communauté”. Car pour les Grecs, “ce qui paradoxalement unit […] pourrait bien être une certaine conflictualité”… à dépasser. Ainsi, “le politique dans son essence procèderait en ce sens d’un double processus, l’affirmation de la stasis et son refoulement”. Le monde grec n’est évidemment pas le nôtre. Néanmoins, avec “une pratique contrôlée de l’anachronisme”, selon l’expression de Nicole Loraux, ne peut-on pas se reconnaître dans cette situation politique “explosante-fixe”, celle de la stase (plutôt que de la crise), comme “ciment” paradoxal de notre communauté ? » octobre 2025
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🪧 Les philosophes s’écharpent depuis des siècles sur le pour et le contre de l’engagement. Rester en retrait, est-ce accepter l’injustice ? Peut-on militer pour ses seuls intérêts ? Doit-on accepter de renoncer à sa liberté ? …Le match des penseurs est dans “Philosophie magazine” !

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Robert Badinter : “L’abolition de la peine de mort est un pari sur la nature humaine que je crois gagné” www.philomag.com/articles/rob...
Robert Badinter : “L’abolition de la peine de mort est un pari sur la nature humaine que je crois gagné”
Robert Badinter : “L’abolition de la peine de mort est un pari sur la nature humaine que je crois gagné” hschlegel mer 08/10/2025 - 15:00 En savoir plus sur Robert Badinter : “L’abolition de la peine de mort est un pari sur la nature humaine que je crois gagné” À l’occasion de la cérémonie pour l’entrée de l’ancien garde des Sceaux au Panthéon, ce jeudi 9 octobre, nous vous proposons de retrouver les entretiens qu’il nous a accordés au fil des années, où il revient avec force sur les arguments philosophiques contre la peine de mort ainsi que sur la capacité des hommes à conserver leur dignité face au mal. Mais aussi sur sa rencontre avec le philosophe Michel Foucault. [CTA1]   Foucault, Beccaria, Rousseau, Arendt… Quand Robert Badinter (1928-2024) portait la contradiction aux philosophes : “La justice ressemble à un théâtre, sauf qu’au tribunal, le dénouement n’est pas écrit à l’avance” : pour l’ancien ministre de la Justice, la conscience morale “a la force d’un tribunal” Entretien exceptionnel : comment fonder philosophiquement l’abolition de la peine de mort ? In memoriam : Badinter parle de son camarade Michel Foucault, aux côtés de huit intellectuels octobre 2025
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Avec les réseaux sociaux, l’homme est devenu un “troll” pour l’homme www.philomag.com/articles/ave...
Avec les réseaux sociaux, l’homme est devenu un “troll” pour l’homme
Avec les réseaux sociaux, l’homme est devenu un “troll” pour l’homme hschlegel mer 08/10/2025 - 12:00 En savoir plus sur Avec les réseaux sociaux, l’homme est devenu un “troll” pour l’homme Sous les traits de Donald Trump, du militant masculiniste, pro-Poutine ou néo-féministe, le petit monstre de la mythologie scandinave est devenu un acteur central de l’espace politique à l’âge numérique où l’indignation supplante la raison et l’attaque remplace l’argument. Explications avec le philosophe Valentin Husson, qui vient de lui consacrer un essai, Foules ressentimentales. Petite philosophie des trolls (Philosophie magazine Éditeur). [CTA2]   ➤ Cet article est exceptionnellement proposé en accès libre. Pour lire tous les textes publiés chaque jour en exclusivité sur philomag.com, avoir accès au mensuel et aux archives en ligne, abonnez-vous à partir de 1€/mois.   Un spectre hante le monde : celui du troll. S’il fut d’abord une figure drôle, interrompant de manière impromptue un débat pour le tourner en dérision, en montrer la vanité et l’absurdité, il est aujourd’hui devenu un phénomène politique préoccupant et redistribuant les cartes des enjeux de pouvoir. Symptôme de notre époque, il raconte quelque chose de notre temps présent, de ses troubles et de sa radicalité. À chaque fois, qu’il soit idéologisé ou non, il manifeste le mal du siècle : celui du ressentiment. L’aigreur est telle qu’elle fait naître toutes les haines. Du troll le plus courant, inscrit désormais dans la pop culture, à ceux politiques, s’y intéresser, c’est faire le récit, en creux, du malaise fondamental de notre culture. ➤ À lire en accès libre : un extrait de Foules ressentimentales. Petite philosophie des trolls On pourrait brosser le portrait-robot du troll d’Internet dans sa dimension la plus commune : s’il est bien un être humain à part entière, sa photo de profil est souvent un animal ou un personnage mythologique. Il grogne comme ces personnages fantastiques ; il est ce que la nuisance sonore est à la musique. Il traîne sur les réseaux et les forums, toujours à l’affût du moindre mot équivoque qu’il pourrait venir soupçonner, souligner, pour alourdir le débat et irriter la communauté qui y dialogue. Il cherche à se faire remarquer, parfois en faisant marrer la galerie, parfois en horripilant celle-ci. Pour se rendre intéressant, le plus souvent, il souligne le peu d’intérêt de ce que nous disons. Il cherche à nous déstabiliser, à nous faire perdre notre sang-froid. S’il nous suit sur les réseaux, c’est pour nous poursuivre, ou nous hameçonner de son mot blessant. Incarnation de l’hostilité de la nature humaine, l’homme est, depuis l’invention des réseaux asociaux, un troll pour l’homme.  “Le troll manifeste le mal du siècle : le ressentiment. Il est l’expression du malaise fondamental de notre culture” Valentin Husson   Ce troll, inscrit dans notre pop culture, nous le connaissons tous, mais il peut prendre des visages plus singuliers ou spécifiques. Deux d’entre eux, qui captent l’attention et qui naissent d’une même radicalisation du débat, nous intéresseront. Celui politique – avec le cas de Trump – et ceux qui, au cœur de ce grand trolling mondial, s’y affrontent comme deux meilleurs ennemis cristallisant le populisme trumpien : le troll néo-féministe et masculiniste.  De quel trolling Trump est-il le nom ? Ses effets d’annonce consistent à créer le scandale, à choquer l’opinion publique pour capter l’attention. Son élection en 2016 et en 2024 tient, pour une part, à ce troll constant. Partant du principe : qu’il n’y a pas de mauvaise publicité, Trump considère que l’essentiel est qu’on parle de lui, qu’importe si ses propos sont farfelus, fallacieux ou mensongers. Sa coupe de cheveux elle-même, son teint orangé sont à eux seuls des modes de trolling spécifiques qui portent à la caricature, c’est-à-dire à la diffusion massive de l’image de Trump. S’il est un piètre politique, il est un incontestable génie de la communication. Et cette manière de faire a des rejetons désormais : une armée entière de trolls est derrière lui et a, sur le web, lancé notamment des campagnes de déstabilisation des différents candidats qui lui étaient opposés. L’ancien troll – qui visait la provocation – rencontre le nouveau troll : celui de la manipulation de masse. Ses coups d’éclat médiatiques influencent l’opinion : son populisme est une manipulation du collectif. “Le troll traîne sur les réseaux et les forums, toujours à l’affût du moindre mot équivoque qu’il pourrait venir soupçonner, souligner, pour alourdir le débat et irriter la communauté qui y dialogue” Valentin Husson   La trumpisation du monde, largement soutenue par son premier supporter Elon Musk, est une vaste tromperie du monde. Toute chose est transformée en événement, et nommément en événement médiatique. Trump fait de la politique comme l’on crée une série : l’intrigue est construite à partir de péripéties, et on la suit d’épisode en épisode. Les images et les paroles ont plus de poids désormais que les actes. Quand dire, c’est faire ; ou quand faire une image, c’est agir.  En anglais existe le terme, difficilement traduisible en français, de gaslighting. Littéralement, l’« illumination au gaz » : le délire causé par l’inhalation d’un produit qui nous fait perdre les esprits et déforme la réalité. Ce concept désigne le fait de manipuler mentalement quelqu’un en lui donnant une information erronée ou fausse, afin de le faire douter de sa mémoire ou de sa perception du réel au profit de l’abuseur, qui renforce là son autorité. Le gaslighting est donc une utilisation de l’infaux à des fins manipulatoires.  Avec la réélection de Trump, un nouveau courant est arrivé au pouvoir : le masculinisme. Ce courant se définit par sa misogynie, son antiféminisme, son virilisme et son caractère androcentré et réactionnaire. Les hommes masculinistes regrettent les temps passés où l’homme était au centre de la société et du foyer et où la femme – subalterne – en était la bonne à tout faire. Ce mouvement a pour corollaire celui des « Trad Wives » dans lequel des femmes, en accord avec ce masculinisme, revendiquent le droit et le devoir de revenir aux valeurs traditionnelles de domesticité. Ce masculinisme est une part importante du trolling contemporain : les hommes cherchent querelle aux femmes en ravivant des positions réactionnaires et une distribution inégalitaire des places dans la société. La femme aurait comme place celle de la femme au foyer aux petits soins pour son mari ; et l’homme aurait comme position celle de ramener l’argent à la maison et de faire vivre la famille. “L’ancien troll – qui visait la provocation – rencontre aujourd’hui le nouveau troll : celui de la manipulation de masse” Valentin Husson   D’où viennent-ils, ces trolls masculinistes ? Ils sont une réaction au mouvement #MeToo. Ces hommes, blessés dans leur virilité par un mouvement féministe qui dénonce les violences dont elles sont victimes par des mâles se croyant tout permis, ont trouvé refuge dans une idéologie réaffirmant leur puissance. La lutte des classes a été remplacée par une lutte des sexes ou des genres. La fêlure narcissique a dû être compensée par un surjeu de l’identité masculine : il faut pousser de la fonte, manger beaucoup de viande, renouer avec la primitivité du chasseur, en revenir à la cruauté qui a toujours été l’apanage du chef de tribu, reprendre un ton guerrier et se préparer à une guerre prochaine.  Il ne faut pas mésestimer – pour être juste, c’est-à-dire pour penser avec justesse – que le phénomène du trolling a aussi été féminin durant toute la période de #MeToo : les accusations ou les rumeurs sans autre forme de procès colportées sur les réseaux – le fameux tribunal médiatique – ont participé au ressentiment ambiant. Toute révolution a sa radicalité, mais toute révolution entraîne toujours sa contre-révolution. Et le masculinisme est la restauration de l’ordre ancien en réponse à l’angoisse et au trouble de l’identité que certains hommes ont pu ressentir intimement. S’il n’y a pas de relation de cause à effet, il y a bien une lame de fond où le néo-féminisme entre en écho – et inversement – avec le masculinisme. Ce sont en tous les cas ces deux discours qui s’écharpent et s’escriment en commentaires des réseaux sociaux. Ils se répondent, parce qu’ils correspondent au même esprit du temps dont ils sont la manifestation : une fracture politique prenant alors celle d’une scission entre les genres, et une extrémisation des positions de chacun.  Toutes ces manifestations font apparaître que le troll est le nom d’une radicalisation inquiétante qui traduit le symptôme de notre temps. La raison se dissipe au profit de l’indignation ; et l’argument au profit de l’attaque. Le dissensus a remplacé le dialogue. Le troll – de celui des réseaux à Trump, en passant par les néoféministes et masculinistes – est l’esprit de notre temps, notre Zeitgeist.   Foules ressentimentales. Petite philosophie des trolls, de Valentin Husson, vient de paraître chez Philosophie magazine Éditeur. 216 p., 19,50€, disponible ici. octobre 2025
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Catherine Malabou : “Face à l'extrême droite, il est possible d’élaborer une certaine plasticité insurrectionnelle dans les marges du pouvoir” www.philomag.com/articles/cat...
Catherine Malabou : “Face à l'extrême droite, il est possible d’élaborer une certaine plasticité insurrectionnelle dans les marges du pouvoir”
Catherine Malabou : “Face à l'extrême droite, il est possible d’élaborer une certaine plasticité insurrectionnelle dans les marges du pouvoir” nfoiry mer 08/10/2025 - 08:00 En savoir plus sur Catherine Malabou : “Face à l'extrême droite, il est possible d’élaborer une certaine plasticité insurrectionnelle dans les marges du pouvoir” Dans notre tout nouveau numéro consacré à l’engagement, nous avons demandé à cinq penseurs ce qu’ils et elles feraient si le Rassemblement national arrivait au pouvoir en 2027. Inspirée par la tradition anarchiste, la philosophe Catherine Malabou prône une désertion active, qui devra se donner pour but de créer des lieux parallèles d’échange et de diffusion des savoirs. [CTA2] « Si vous m’aviez posé la question avant les élections de 2022, je vous aurais peut-être répondu que j’aurais songé à quitter la France pour aller vivre aux États-Unis, où j’enseigne régulièrement. Mais les États-Unis ne me paraissent plus un refuge, leur situation est même pire. Partir, certes, mais pour aller où ? À l’issue d’un long processus de décomposition démocratique, le monde est en train de sombrer dans l’autoritarisme et le fascisme, tandis que les politiques xénophobes se multiplient. Dans ce contexte, que faire ? J’avoue que je ne crois pas tellement aux instruments classiques de la lutte politique, aux partis et aux syndicats. Par contre, la tradition anarchiste enseigne qu’il est possible d’élaborer une certaine plasticité insurrectionnelle dans les marges du pouvoir. Concrètement, je pense que les associations loi de 1901 sont de bons outils pour mettre en place des réseaux de vigilance mais aussi pour venir en aide aux personnes qui vont être visées par les politiques d’extrême droite, comme les sans-papiers ou les immigrés. Je pense donc que je participerai activement à des initiatives d’entraide associative. Le second point qui me paraît important, c’est de désinvestir les institutions cooptées, c’est-à-dire de refuser systématiquement de participer aux organisations ou aux événements pilotés par le RN. J’appelle à une désertion active, qui devra se donner pour but de créer des lieux parallèles d’échange et de diffusion des savoirs. Les penseurs anarchistes m’accompagnent et ne cessent d’alimenter ma réflexion politique, notamment Kropotkine pour l’entraide et Proudhon pour la défense des communs. Cependant, je dois remarquer que les extrêmes droites contemporaines, notamment le RN et Donald Trump, empruntent beaucoup à la tradition anarchiste. Chez eux, cela donne le libertarianisme, la volonté de limiter l’État à ses fonctions régaliennes, le congé donné aux fonctionnaires – mais également l’ubérisation généralisée de la société, l’idée que chacun peut devenir son propre entrepreneur. La gauche se refuse à faire la critique de la démocratie parlementaire, et l’extrême droite ne craint pas de le faire, comme autrefois les anarchistes. Cette situation rend la lutte plus difficile. Prenez un mot comme “liberté” ou “liberté d’expression”. Un sympathisant d’Elon Musk ou de Marine Le Pen pourront vous dire qu’ils les défendent. En fait, il faut faire la distinction entre l’anarchisme individualiste, comme style de vie, et l’anarchisme socialiste, fondé sur la coopération et l’entraide. Il faut toute une pédagogie en philosophie politique pour faire comprendre que l’anarchisme n’est pas le chacun pour soi mais une façon différente de faire société. » octobre 2025
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Dans notre nouveau numéro consacré à l’engagement, cinq penseurs nous confient ce qu’ils feraient si le RN arrivait au pouvoir en 2027. Pour Raphaël Enthoven, le projet de l’extrême droite doit être combattu pied à pied, ce qui ne va pas sans prendre quelques coups… ni nourrir quelques regrets.
Raphaël Enthoven : “Si demain les acquis démocratiques sont menacés, vous ferez comme moi, vous descendrez dans l’arène”
Dans notre tout nouveau numéro consacré à l’engagement, nous avons demandé à cinq penseurs ce qu’ils et elles feraient si le Rassemblement national arrivait au…
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Le sentiment d’être méprisé est le nouveau poison qui ronge nos démocraties. Les gouvernants sont-ils pour autant plus méprisants qu’autrefois ? Nos revendications ont en tout cas changé, dans une société censément égalitaire…
➤ Clara Degiovanni a lu l’essai du mois: “Le Mépris”, de François Dubet.
“Le Mépris”, de François Dubet : touche pas à mon estime ! | Philosophie magazine
Il est discret, le mépris. Il se glisse dans un silence railleur, un froncement de sourcils, une pique sur la tenue, l’accent, la manière d’être… Et pourtant, …
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Les fantômes de la République www.philomag.com/articles/les...
Les fantômes de la République
Les fantômes de la République hschlegel mar 07/10/2025 - 18:37 En savoir plus sur Les fantômes de la République « Un gouvernement de revenants avec la durée de vie d’un ectoplasme : c’est le scénario plutôt divertissant et riche en rebondissements que nous propose la classe politique ces derniers jours… [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. Et si la France n’avait pas besoin d’un énième homme providentiel, ou même plus modestement d’un habile négociateur, mais plutôt de l’équipe de chasseurs des Ghostbusters ? Car il se pourrait bien qu’il lui faille s’alléger de quelques fantômes. Les fantômes sont en effet nombreux à s’agiter ces dernières heures. On ne citera que ceux dont on est sûre qu’ils appartiennent bien au domaine des morts, de peur de paraître insultante – Éric Woerth, sérieusement ? Et pourquoi pas Jérôme Cahuzac tant qu’on y est ? Il y a d’abord celui bien familier du général de Gaulle, convoqué à toutes les sauces politiques de la gauche à l’extrême droite, au point que le képi de l’ancien président doit sentir le chimichurri. C’est Olivier Faure qui salue sur X la démission “avec dignité et honneur” de l’éphémère Premier ministre Sébastien Lecornu, en qualifiant ce dernier de “gaulliste”, taclant au passage celui qui ne l’est donc pas – suivez son regard. Suivons-le donc : c’est encore Emmanuel Macron, qui joue la solitude de la prise de décision en arpentant les quais de Seine à la vue de tous, silhouette courbée sous le poids d’un grand manteau noir. Il a fait gris à Paris hier, uniformément gris : un temps digne des paysages d’Irlande que le général a parcourus seul… après sa démission. Sur cette Ve République qui ne sait que faire de l’absence de majorité absolue au Parlement, son ombre plane, tel un couvercle paralysant. Toucher à son œuvre relève du tabou : il fut un temps où certains candidats à l’élection présidentielle osaient évoquer une VIe République ; désormais, chacun semble très bien s’accommoder de la personnalisation du pouvoir. Loin d’être une source d’inspiration ou des guides pour l’avenir, les fantômes peuvent toutefois s’avérer de véritables boulets, comme en témoigne le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov dans sa réinterprétation du Hamlet de Shakespeare au théâtre du Châtelet jusqu’au 19 octobre. Le fantôme du père, figure de pouvoir déchu, ne lâche jamais la grappe du jeune Hamlet en lui serinant : “Souviens-toi de moi !” Hamlet finit par sombrer dans une forme de folie, forcé de se dédoubler pour survivre au vacarme qui lui fracasse la tête. Ce que Serebrennikov montre, c’est qu’à trop les invoquer, les fantômes finissent par nous intoxiquer. De souvenir réconfortant, témoin d’un glorieux passé, ils se muent en sanglots vengeurs qui réclament toujours plus de sursis, au risque de provoquer l’injustice parmi les vivants. Pourtant, impossible de se débarrasser totalement des spectres. À vrai dire, ce n’est même pas vraiment nécessaire. Voilà tout l’objet du recueil de nouvelles de la romancière argentine Mariana Enríquez, Un lieu ensoleillé pour personnes sombres, paru la semaine dernière aux Éditions du Sous-sol. La première s’ouvre sur l’histoire d’Emma, une médecin qui refuse de quitter son quartier, pourtant rongé par la violence, parce qu’il est peuplé de fantômes avec lesquels elle parvient à bavarder, notamment celui de sa mère. “Une morte peut-elle vivre ?”, s’interroge-t-elle. “Elle est présente alors. Depuis que je l’ai découverte, je comprends mieux le mot. Je l’ai sentie avant de la voir.” D’aucun de ces fantômes sollicitant son attention, il ne vient à l’idée d’Emma de singer l’attitude ou l’apparence – pas de grand manteau noir pour un docteur en blouse blanche. Elle se permet même parfois de les envoyer gentiment balader, en leur demandant de baisser d’un ton et d’arrêter de hurler. Une conception du fantôme qui n’est pas loin de celle de l’anthropologue Grégory Delaplace. Dans La Voix des fantômes (Seuil, 2024), il remarque que les fantômes ont certes une forme d’agentivité, mais qu’“ils ne peuvent tenir tout seuls dans le monde” sans la médiation culturelle, sociale et anthropologique des vivants. Dans le même temps, ils ne sont pas entièrement passifs, dans le sens où “ils se [plieraient] sans broncher aux entreprises humaines au service desquelles ils ont été façonnés.” Pas facile à naviguer, le revenant. Mais que faire si le fantôme qui se tait laisse un vide trop grand ? Eh bien, renouvelons nos imaginaires ! Avant-hier, la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier confessait sur BFMTV laver parfois ses hauts à l’arrache dans un évier du local d’EELV, pour les faire ensuite sécher sur un cintre. Certes, c’est moins sexy qu’un type en uniforme et en képi. Mais ça fera marrer les fantômes de toutes nos grands-mères lavandières. » octobre 2025
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La “French Theory”, récit en BD d’une aventure franco-américaine www.philomag.com/articles/la-...
La “French Theory”, récit en BD d’une aventure franco-américaine
La “French Theory”, récit en BD d’une aventure franco-américaine hschlegel mar 07/10/2025 - 16:00 En savoir plus sur La “French Theory”, récit en BD d’une aventure franco-américaine Dénoncée par les uns comme un « virus » du wokisme, elle apparaît aux autres comme le ferment d’une grande révolution philosophique qui a essaimé dans les luttes féministes et décoloniales contemporaines. L’historien des idées François Cusset, qui publie avec le dessinateur Thomas Daquin French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle (La Découverte/Delcourt), nous raconte en 6 planches commentées l’histoire de ce courant, en France et aux États-Unis, et sa postérité politique.  [CTA2] Définir la raison et la normalité par la mise à l’écart des fous et des anormaux French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle, de François Cusset et Thomas Daquin, p. 75. © Éditions Delcourt/La Découverte [Afficher l’image] François Cusset : Il n’est pas aisé de trouver une cohérence conceptuelle ou un corps doctrinaire à ce que l’on a appelé la « French Theory ». Ses auteurs emblématiques, comme Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida ou encore Jean Baudrillard, ont été en désaccord sur presque tout. On peut dire qu’ils ont produit une pensée en rupture avec l’essentiel de l’histoire de la philosophie : critique de la métaphysique, critique de l’histoire, du sujet comme entité fixe, du substantialisme en général. Tout cela au profit d’une pensée plus dynamique, relationnelle, processuelle. Si je résume à grands traits la thèse de Deleuze, Différence et répétition (PUF, 1968), la différence n’est plus un concept déduit mais un processus ininterrompu. Elle n’est plus la conséquence négative d’une identité immuable posée comme première mais devient la condition de possibilité d’existence d’une chose qui n’apparaît qu’à la faveur d’un processus permanent de différenciation, de contraste, dans un champ déterminé. Il n’y a pas de substances ou d’entités fixes – à la place, il y a des écarts, des devenirs, des dérives. Voilà l’opération intellectuelle majeure de la « French Theory ». Évidemment, à partir du moment où l’on prend conscience que le récit historique comme les concepts de l’anthropologie reposent sur des constructions situées dont le processus est – entre autres – déterminé culturellement, c’est tout l’héritage antérieur qui s’en retrouve déstabilisé, mis en danger. Il n’y a plus de droite raison. Au centre de la pensée du pouvoir d’un Michel Foucault, on a ainsi cette opération contre-intuitive consistant à faire dériver la rationalité moderne de l’exclusion sociale de la folie, l’être normal et rationnel du geste de mise à l’écart des anormaux. Explorer le monde de la nuit et de l’“underground” French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle, de François Cusset et Thomas Daquin, p. 45. © Éditions Delcourt/La Découverte [Afficher l’image] F. C. : Dans son essor américain, la « French Theory » a pu être associée un temps au monde de la nuit, aux explorations spirituelles, aux psychotropes, à la culture underground. Il y a cette planche où le passeur Sylvère Lotringer fait lire Présentation de Sacher-Masoch de Deleuze à des dominas dans un club BDSM de New York. Nous racontons aussi l’expérience de Michel Foucault sous LSD dans la Vallée de la mort en Californie en 1975. De façon générale, entre la critique de la norme chez Foucault, le renversement de la métaphysique chez Derrida et le lexique de science-fiction qu’on trouve chez Deleuze et Guattari, le ton philosophique est atypique, anti-institutionnel, d’enjeu existentiel. La « French Theory » a inspiré des esprits singuliers, comme Hakim Bey avec ses zones d’autonomie temporaire, des îlots contestataires où, pour un temps, on invente d’autres modes de vie collective. L’œuvre des penseurs post-structuralistes se prête enfin aux fragments, au prélèvement d’aphorismes forts et de citations provocatrices, qu’on mobilise plus facilement dans les expériences communautaires, contre-culturelles, festives, que s’il fallait en faire une lecture exhaustive comme pour une dissertation. La voie des singularités et des minorités French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle, de François Cusset et Thomas Daquin, p. 97. © Éditions Delcourt/La Découverte [Afficher l’image] F. C. : Les penseurs de la « French Theory » étaient assez liés aux mouvements sociaux de leur temps, notamment en défense des minorités opprimées. Quand il y avait des manifestations pour les immigrés à la Goutte d’Or, ils y étaient. Il n’est pas étonnant qu’ils aient eu une postérité politique. Mais ils se sont toujours tenus à distance du marxisme, ce qui leur a été reproché par les marxistes américains qui ont accusé la « French Theory » d’avoir enterré la lutte des classes, comme si les questions de genre, de rapports Nord-Sud, de conflits d’identités nous avaient fait perdre de vue la défense du prolétariat et l’horizon révolutionnaire. Pourtant, quand l’opposition marxiste s’est retrouvée isolée, en déclin, à partir de la fin des années 1980, ces intellectuels ont justement été perçus comme un recours critique possible, même s’ils refusaient d’être des portes-voix, que ce soit de la contre-culture ou des militantismes de leur époque. Nous avons imaginé une scène où un jeune gay californien remercie Michel Foucault pour son émancipation. Ce dernier prend tout de suite ses distances : il n’a jamais voulu forger de nouvelles catégories normalisatrices pour émanciper une quelconque minorité sexuelle. C’est le genre de malentendus qui a eu aussi des conséquences merveilleuses : vive les malentendus ! Des concepts… qu’on retrouve sur les slogans des manifs aujourd’hui French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle, de François Cusset et Thomas Daquin, p. 186. © Éditions Delcourt/La Découverte [Afficher l’image] F. C. : Ce qui m’étonne le plus, c’est de se retrouver un demi-siècle après les débuts de la « French Theory » et de constater que ses auteurs sont mobilisés par les jeunes générations pour exprimer leurs angoisses et leurs soucis politiques, bien plus que les intellectuels actuels ou les arsenaux politiques classiques, comme le marxisme ou l’écologie radicale. Aujourd’hui, les jeunes qui vivent dans des squats et s’intéressent à la philosophie ont l’air d’avoir plutôt lu Deleuze ou Foucault, même par bribes – au moins de voir qui ils sont – plutôt que les grandes figures de la tradition métaphysique. Les penseurs de la « French Theory » n’ont jamais voulu produire une doctrine philosophique et politique unitaire mais, des décennies plus tard, leurs concepts ont bien des effets politiques chez leurs jeunes lecteurs. Elle a permis, par exemple, d’articuler un marxisme non-orthodoxe à la défense des minorités, la lutte des classes à la question des discriminations. Quand on se balade dans les manifestations aujourd’hui en France, on voit ces liens se faire, des syndicalistes arborer des slogans féministes ou décoloniaux. Pendant ce temps, la gauche sociale-démocrate, plus conservatrice, converge avec les réactionnaires et la droite pour diaboliser la « French Theory », la désigner comme un « virus » qui serait à l’origine du soi-disant « wokisme », pour reprendre le mot de Jean-Michel Blanquer au colloque de la Sorbonne « Après la déconstruction ». Retour à l’envoyeur ou la ruse de la géopolitique intellectuelle French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle, de François Cusset et Thomas Daquin, p. 203. © Éditions Delcourt/La Découverte [Afficher l’image] F. C. : Ces hybridations entre marxisme et théories minoritaires, encore rares et difficiles, ont eu lieu aux États-Unis plus facilement qu’en France. Dans les années 1970 et 1980, le champ intellectuel français, lui, a marginalisé l’héritage de la « French Theory », isolé ses réseaux de recherche. L’université française est passée d’un marxisme spontané à un anti-marxisme très virulent, qui a amputé plus largement cette capacité à renouveler notre arsenal conceptuel critique. Les États-Unis, par leur système universitaire privé et enclavé, ont ménagé, eux, des espaces où l’on pouvait penser et pratiquer la radicalité, au sein des facultés. C’est ce qui fait qu’un penseur comme Fredric Jameson a pu développer une œuvre importante dans le pays de la « peur rouge » et du FBI. En France, au même moment, le champ médiatique et éditorial était saturé par les invectives des nouveaux philosophes. Mais il y a une ruse de la géopolitique intellectuelle, une ironie du destin. Après avoir exporté la « French Theory » aux États-Unis sans le savoir, voilà que la France découvre la dernière les auteurs américains qui s’en étaient inspirés, enfin traduits en français depuis une quinzaine d’années : Judith Butler, Gayatri Spivak, Edward Saïd, Eve K. Sedgwick…   French Theory. Itinéraires d’une pensée rebelle, de François Cusset et Thomas Daquin, vient de paraître aux Éditions La Découverte/Delcourt. Bande dessinée, 24,50€, disponible ici. octobre 2025
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Raphaël Enthoven : “Si demain les acquis démocratiques sont menacés, vous ferez comme moi, vous descendrez dans l’arène” www.philomag.com/articles/rap...
Raphaël Enthoven : “Si demain les acquis démocratiques sont menacés, vous ferez comme moi, vous descendrez dans l’arène”
Raphaël Enthoven : “Si demain les acquis démocratiques sont menacés, vous ferez comme moi, vous descendrez dans l’arène” nfoiry mar 07/10/2025 - 08:00 En savoir plus sur Raphaël Enthoven : “Si demain les acquis démocratiques sont menacés, vous ferez comme moi, vous descendrez dans l’arène” Dans notre tout nouveau numéro consacré à l’engagement, nous avons demandé à cinq penseurs ce qu’ils et elles feraient si le Rassemblement national arrivait au pouvoir en 2027, question d'autant plus brûlante depuis la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu et une possible dissolution de l’Assemblée nationale. Pour Raphaël Enthoven, le projet du parti d’extrême droite, mélange de populisme et d’illibéralisme, doit être combattu pied à pied, ce qui ne va pas sans prendre quelques coups… ni nourrir quelques regrets. [CTA2] « Si le RN arrive au pouvoir, je ne changerai rien à ma vie quotidienne. J’ai mis trop de temps à me constituer une sorte de quartier général où travailler pour y renoncer au motif que le résultat de la présidentielle me déplaît. Par ailleurs, je profiterai de la liberté d’expression que la loi me garantit, et je surinvestirai Franc-Tireur. La raison d’être de cet hebdomadaire est de conjurer l’arrivée des extrêmes au pouvoir, qu’ils soient de gauche ou de droite. Une mutation de la vie politique s’est en effet produite entre le rejet par référendum du projet de Constitution européenne en 2005 et la première élection d’Emmanuel Macron en 2017. Le binôme traditionnel gauche-droite est devenu inopérant. Il a disparu au profit d’un autre binôme, celui du clos et de l’ouvert. C’est Bergson, dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, qui pense dès 1932 le paradigme du clos et de l’ouvert : une société close est à la fois hiérarchique, défensive, fondée sur l’appartenance, mue par une morale conservatrice et encadrée par des règles destinées à maintenir sa cohésion. Une société ouverte est universelle et dynamique. Elle ne repose pas sur l’appartenance mais sur l’ouverture à l’humanité dans son ensemble. Le RN me semble être le mandataire de la clôture, et le mélange de populisme et d’illibéralisme qui constitue son projet doit être combattu pied à pied. Je me suis longtemps présenté comme un professeur de philosophie, au-dessus de la mêlée. Et puis après les attentats de 2015, j’ai considéré qu’une guerre était déclarée, que la liberté de blasphémer, donc la liberté d’expression et les valeurs démocratiques étaient attaquées, et je suis descendu dans l’arène. J’ai fini par penser que, comme Zarathoustra, on s’élève quand on consent à descendre de sa colline. J’ai compris que ce que je tenais jusque-là pour des acquis – les libertés fondamentales, la République – ne l’était pas. Mais j’ai commis une erreur, une sorte de suicide public. Avant les élections de 2022, à l’issue d’une série de Tweet, je renvoyais dos à dos les projets de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, j’ai écrit : “S’il fallait choisir entre les deux, et si le vote blanc n’était pas une option, j’irais à 19h59 voter pour Marine Le Pen en me disant, sans y croire, ‘plutôt Trump que Chávez’.” Je regrette profondément cette phrase, parce que si la situation se produit réellement, quoi que je pense des abstentionnistes, je ne voterai pas. Avoir écrit ces mots est ma croix. Désormais, je dois vivre avec ça. Ce qui me donne de l’espoir, finalement, c’est que les libertés sont plus difficiles à maintenir qu’à défendre. Si vous n’êtes pas engagé vous-même, si vous ne faites pas de politique, c’est que vous estimez que votre situation est confortable. Vous vous endormez sur les acquis démocratiques. Mais si demain ceux-ci sont menacés, vous ferez comme moi, vous descendrez dans l’arène, et forcément vous y recevrez quelques coups. » octobre 2025
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La démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, à la tête du gouvernement le plus bref depuis plus d’un siècle, rend envisageable une nouvelle dissolution de l’Assemblée et l’accès du RN au pouvoir. Dans cette circonstance, que feraient les philosophes ? Aujourd’hui, la réponse de Frédéric Gros.
Frédéric Gros : “Le RN au pouvoir, est-ce que ce n’est pas déjà en train d’arriver ?”
Alors que la démission du Premier ministre Sebastien Lecornu, trois semaines après avoir été nommé par le président de la République, ouvre la voie à l…
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La nuit de Varenne
La nuit de Varenne hschlegel lun 06/10/2025 - 18:34 En savoir plus sur La nuit de Varenne « Depuis une dizaine de jours, dit-on, la rue de Varenne à Paris est plongée dans le noir : aucun éclairage public sur cette voie compassée et protégée du faubourg Saint-Germain. Comme si Sébastien Lecornu avait eu besoin d’une obscurité complète pour résoudre l’ultime casse-tête du macronisme. Mais son fiat lux n’aura duré que quelques heures, le temps d’une nuit qui restera peut-être dans l’histoire comme celle où l’Ancien Régime a basculé pour l’inconnu.  [CTA1] ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. Dans La Nuit de Varennes, le cinéaste Ettore Scola raconte la fuite ratée de Louis XVI hors du Paris révolutionnaire en 1791. C’est une bonne histoire et un épisode marquant de la séquence révolutionnaire. Mais, comme souvent, les péripéties dissimulent l’essentiel. C’est la même chose aujourd’hui. Les déclarations des uns et des autres, les rivalités politiques, les jeux d’appareil envahissent l’espace médiatique. Sur le long terme, pourtant, une ligne claire se dégage. Chacun se demande si une nouvelle dissolution va survenir. Mais elle a déjà eu lieu, et pas uniquement l’année dernière ! Regardons les définitions du dictionnaire. Une dissolution est la “désagrégation d’un organisme s’effectuant par la séparation et la dispersion de ses éléments constituants” (Trésor de la langue française). Nous en sommes là depuis pas mal de temps, à la fois dans la société, nerveuse et divisée comme jamais, et dans un parlement divisé en blocs irréconciliables. Dans un sens plus moral, le terme de dissolution renvoie à un “affaiblissement marqué, [un] anéantissement des forces physique ou des facultés”. Nous y sommes également, puisqu’aucune grande décision engageant l’avenir d’un pays fragilisé n’est prise depuis des mois. Le président nomme à intervalles de plus en plus rapprochés des chefs de gouvernement pour mener sa politique. Ils sont renversés, ou démissionnent avant même de l’être. Non seulement chacun des trois blocs qui constituent l’Assemblée nationale ne peut se mettre d’accord avec les autres, mais ceux-ci sont même divisés en leur sein. Les Républicains se déchirent avec les macronistes. La confiance, c’est le moins qu’on puisse dire, a disparu à gauche. Seul le RN semble uni derrière ses deux chefs. Qu’apporterait une nouvelle dissolution de l’Assemblée ? Si l’on se réfère à la philosophie de l’histoire, la dissolution est la dernière étape avant une recomposition. Chez Hegel, le terme d’Auflösung signifie dissolution. Dans ses Principes de la philosophie du droit (1820), le penseur allemand affirme que la “dissolution de la vie étatique” survient quand les individus se perdent “dans les actes d’opiner et de ratiociner” – tiens tiens, ça rappelle un peu notre situation. Mais, pour lui, le moment destructeur est l’occasion d’une mue positive. Dans d’autres textes du philosophe, le terme d’Auflösung est traduit par résolution. Les contradictions se mélangent dans le négatif avant de se résoudre en quelque chose de neuf. De notre côté du Rhin, à quoi ressemblerait cette dissolution-résolution ? On peut imaginer, pour se rassurer, que le paysage politique ne changera pas tant que ça, et qu’il faudra s’armer de patience pour que l’une des forces l’emporte plus largement à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. Mais il y a une autre hypothèse. De nombreux citoyens sont dégoûtés par les manœuvres de nos politiques et s’abstiendront. Les électeurs de gauche auront sans doute le plus grand mal à ressusciter le Front populaire de 2024. Certains se sont déjà résignés à voir arriver Jordan Bardella à Matignon, en se disant que les Italiens ont bien Giorgia Meloni et que cela ne se passe pas si mal. D’autres, enfin, souhaitent ardemment la victoire du RN. Au fond, les Français sont nombreux à vouloir une résolution radicale. Qu’ils aiment ou détestent le parti lepéniste, ils se disent que seule son accession à Matignon ou à l’Élysée constituerait une épreuve de vérité. Les premiers soutiendront cette victoire de toutes leurs forces. Les seconds la combattront de toute leur âme. Si l’on suit Hegel jusqu’au bout, nos soubresauts politiques insolubles suivent une logique profonde : comme de plus en plus de pays du monde et d’Europe, la France s’apprête à s’engager dans le populisme d’extrême droite. Je ne sais pas si Emmanuel Macron va nommer un Premier ministre de droite soutenu par le RN. S’il va tenter un nouveau salto politique. S’il va dissoudre. Comme Hegel, je crois que le cours des choses nous entraîne, au gré des entêtements, des calculs, des stratagèmes, vers la progression – crainte ou désirée – du lepénisme. Mais contrairement à lui, je pense aussi que l’histoire est faite de contingences et d’imprévus qui peuvent gripper l’implacable logique de la dissolution-résolution. Tout dépend encore du pouvoir d’action des citoyens. La nuit de Varenne ne fait que commencer. » octobre 2025
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La “servitude volontaire” chez La Boétie, c’est quoi ? www.philomag.com/articles/la-...
La “servitude volontaire” chez La Boétie, c’est quoi ?
La “servitude volontaire” chez La Boétie, c’est quoi ? hschlegel lun 06/10/2025 - 14:59 En savoir plus sur La “servitude volontaire” chez La Boétie, c’est quoi ? C’est une énigme politique doublée d’une contradiction logique que dénonce le jeune Étienne de La Boétie dans son célèbre Contr’un en 1549 : ou comment le peuple peut-il vouloir sa propre servitude ? Nicolas Tenaillon a relu ce texte qui inspira Montaigne, Spinoza et Simone Weil. Il déplie le mille-feuilles de cette domination qui ne tombe pas seulement d’en haut, mais que sécrètent l’habitude, la complicité et le désir du peuple.  [CTA2] ➤ Cet article est exceptionnellement proposé en accès libre. Pour lire tous les textes publiés chaque jour sur philomag.com, avoir un accès illimité au mensuel et soutenir une rédaction 100% indépendante, abonnez-vous ! Retrouvez toutes nos offres ici. Écrit par le tout jeune Étienne de La Boétie (1530-1563) en 1549, mais publié seulement en 1576 dans Le Réveille-matin des Français, pamphlet protestant, le Contr’un ou Discours de la servitude volontaire, est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers textes subversifs de la pensée politique française. Mais que cache l’oxymore de son sous-titre ? Comment la servitude pourrait-elle être volontaire ? Loin de voir dans ce choix matière à dénoncer une sorte de masochisme social généralisé, La Boétie, penseur et poète humaniste, délivre par ce réquisitoire plein d’érudition une analyse percutante et lucide des ressorts cachés de l’abus de pouvoir en politique. L’autorité, c’est dans la tête ? Le Contr’un part d’une interrogation tirée d’un constat : « Je désirerais seulement qu’on me fit comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne. » D’où vient cette fascination pour la monarchie (au sens strict) ? Pas de la nature, répond La Boétie, car si celle-ci nous demande primitivement d’obéir à nos parents, elle n’a pas voulu que nous nous soumettions à une autorité extérieure. Bien au contraire : elle nous a donné la liberté et même le devoir de la conserver. La servitude n’étant pas naturelle en politique, elle ne peut donc être que volontaire : « C’est le peuple qui s’assujettit et se coupe la gorge », lui-même. “La servitude volontaire, c’est le peuple qui lui-même s’assujettit et se coupe la gorge” Étienne de La Boétie   Comment rendre compte d’un tel paradoxe ? Si la peur de la rébellion est sans doute une cause d’explication, elle n’est pas suffisante, car que quatre ou cinq personnes hésitent, cela se comprend. Mais des millions ? La couardise ne va pas jusque-là. Il faut donc chercher d’autres raisons à cette désolante aliénation collective. La Boétie en distingue essentiellement trois. Les trois mamelles de la soumission « La première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. » Certes, lorsque le pouvoir se met en place et devient abusif, le mal qu’il ne manque pas de commettre pour asseoir son autorité, comme l’avait vu Machiavel, suscite des résistances, souvent violentes. Mais si le pouvoir les surmonte, le peuple, comme un cheval dressé, ne réagit plus. Et en quelques générations, le souvenir de la liberté est habilement effacé des mémoires. “Les hommes qui naissent sous le joug, nourris et élevés dans le servage sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et ne pensant point avoir d’autres droits, ni d’autres biens que ceux qu’ils ont trouvés à leur entrée dans la vie, ils prennent pour leur état de nature, l’état même de leur naissance” Étienne de La Boétie, op. cit. La seconde raison qui détourne le peuple du souci de sa liberté, c’est, explique La Boétie, la distraction. Pour que la soumission devienne une tradition, il a fallu en effet amollir les sujets rebelles. C’est ce que fit, bien avant les empereurs romains, le grand Cyrus, fondateur au VIe siècle avant Jésus-Christ de l’empire perse. On lui rapporta que la ville de Sardes dans la lointaine Lydie, récemment conquise, risquait de se révolter. Plutôt que d’y maintenir une garnison, ce qui était coûteux en hommes et en argent, Cyrus y établit « des bordaux [des maisons closes], des tavernes et des jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. » Les gens de Lydie (d’où viendra le mot « ludique » !) y prirent goût, s’amollirent, et « jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée ». “Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres” Étienne de La Boétie   Troisième raison enfin : la complicité. Pour consolider son pouvoir, « le tyran asservit les sujets les uns par les autres ». En fabriquant des petits tyrans, il organise une pyramide des intérêts, où tous « trouvent leur plaisir à la servitude, pourvu qu’ils en recueillent quelque profit ». C’est là « le secret et le ressort de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie ». Mais dès lors, les choses étant ce qu’elles sont, est-il encore envisageable d’échapper à la servitude volontaire ? La Boétie le croyait, et ce sans violence. “Il n’est pas besoin de combattre ce tyran ni de le renverser : il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente plus à sa servitude” Étienne de La Boétie, ibid. Puisque la force du tyran ne vient que de l’acceptation du peuple, il suffit de la lui retirer : « Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres ». Mais avait-il vu juste ? Un pamphlet qui fit florès Anticipant l’avènement de la monarchie absolue en France, le Contr’un fut jugé trop sulfureux par Montaigne, le meilleur ami de La Boétie. L’auteur des Essais, qui évoque cette « déclamation contre la tyrannie » dans « De l’amitié » (Essai I, 28), refusa de la publier. Il fit néanmoins beaucoup pour sa popularité en suggérant que ce réquisitoire, qu’il préférait tenir secret, serait toujours dangereux pour ceux qui gouvernent seuls. De fait, les parlementaires se référèrent à La Boétie lors de l’épisode de la Fronde (1648-1653) contre le pouvoir abusif de Mazarin ; les révolutionnaires de 1789, Camille Desmoulins en tête, s’approprièrent la formule : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux » ; au XIXe siècle, l’anarchiste Élisée Reclus voulut voir en La Boétie un précurseur de la désobéissance civile ; plus près de nous, Simone Weil, dans sa Méditation sur l’obéissance et la liberté (1937), écrivait à propos du mystère de la soumission volontaire : « Il y a près de quatre siècles, le jeune La Boétie, dans son Contre-un, posait la question. » Mais, estimait-elle, « il n’y répondait pas » – parce qu’aux yeux de la disciple d’Alain, l’obéissance devait être maintenue… à condition d’être éclairée et librement consentie. Reste que le succès de pamphlets allant dans le sens originel de La Boétie, comme par exemple celui d’Indignez-vous ! (2010), court essai de Stéphane Hessel vendu à plus de 4 millions d’exemplaires dans le monde, prouve que les peuples aujourd’hui ne restent plus sourds à ceux qui leur rappellent que l’inertie est la meilleure complice des abus d’autorité. Or n’est-ce pas d’abord à la fougue de La Boétie que nous devons d’avoir été alerté sur les causes cachées de notre tendance à laisser faire l’inacceptable au point d’« avaler, sans répugnance, l’amer venin de la servitude » ?  octobre 2025
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Frédéric Gros : “Le RN au pouvoir, est-ce que ce n’est pas déjà en train d’arriver ?” www.philomag.com/articles/fre...
Frédéric Gros : “Le RN au pouvoir, est-ce que ce n’est pas déjà en train d’arriver ?”
Frédéric Gros : “Le RN au pouvoir, est-ce que ce n’est pas déjà en train d’arriver ?” nfoiry lun 06/10/2025 - 11:35 En savoir plus sur Frédéric Gros : “Le RN au pouvoir, est-ce que ce n’est pas déjà en train d’arriver ?” Alors que la démission du Premier ministre Sebastien Lecornu, trois semaines après avoir été nommé par le président de la République, ouvre la voie à l’hypothèse d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale et d’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir, nous avons demandé dans notre nouveau numéro à plusieurs philosophes ce qu’il ferait dans cette circonstance. Aujourd’hui, Frédéric Gros, auteur de Désobéir, défend l’idée d’une action et d’une parole de vérité dans les pas de Michel Foucault et de Hannah Arendt.  [CTA2] Le Rassemblement national est aux portes du pouvoir. Pour moi, cet énoncé représente l’impensable, l’insupportable. Je rappelle que je suis né au milieu des années 1960, et pendant toute ma jeunesse, l’extrême droite, c’étaient les éructations racistes et antisémites de Jean-Marie Le Pen, ainsi que son mépris affiché pour l’État de droit. Que les rejetons de son parti puissent aujourd’hui afficher leur républicanisme et soutenir qu’ils sont le vrai rempart contre l’antisémitisme relève pour moi de la blague absolue – mais elle ne me fait pas rire. Les sondages et les projections de vote obligent pourtant à se poser la question : et s’« ils passent », qu’est-ce que je fais ? Eh bien, je crois que je resterai – provisoirement ? – en France, et, parce que la machine à propagande – déjà bien amorcée sur certaines chaînes d’information en continu – sera à son comble, je tenterai de m’informer auprès de médias alternatifs, au moins pour nourrir ce que Kant appelle un « usage public de la raison », en dénonçant les attaques qui seront inévitablement menées contre la Justice et le Droit. À un niveau plus professionnel, il s’agira évidemment de réaffirmer dans mes cours des principes élémentaires de politique humaniste et de rappeler les désastres provoqués en Europe par les doctrines extrémistes. Tout le problème consistera, selon la belle expression forgée par Michel Foucault dans ses derniers cours au Collège de France, à faire preuve, face aux événements, d’un certain courage de la vérité, c’est-à-dire accepter de prendre des risques en dénonçant les iniquités qui ne manqueront pas de se produire.  Mais tout le problème sera aussi de savoir si et jusqu’à quel point j’en serai effectivement capable sans me réfugier derrière des excuses habituelles et faciles (famille nombreuse, etc.). Sur ce point cependant, qui est celui de la responsabilité au sens peut-être le plus profond d’une réponse personnelle et active face à ce qui se produit, les effets d’annonce sont inutiles. Les plus téméraires en paroles sont comme on le sait les plus pleutres en actes, et l’humilité est la vraie sœur du courage. Hannah Arendt distingue avec beaucoup de force dans sa Condition de l’homme moderne « qui je suis » et « ce que je suis ». « Ce que je suis », ce sont à la fois un statut, un mode de vie, des traits de personnalité… Bref, une certaine identité défendue à travers un parcours de vie. « Qui je suis », seuls l’action et l’événement dans des moments exceptionnels à la fois en décident mais aussi le révèlent. J’espère donc seulement, avec un peu de crainte quand même, que je saurai me montrer à la hauteur de ce qui arrive – la question étant : mais est-ce que ce n’est pas déjà en train d’arriver ? octobre 2025
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Dans notre nouveau numéro consacré à l’engagement, nous avons demandé à cinq penseurs ce qu’ils feraient si le RN arrivait au pouvoir en 2027. Ici, la réponse de la philosophe italienne Gloria Origgi, pour qui la menace la plus pernicieuse est la communication structurée de l’extrême droite.
Gloria Origgi : “Face à l’extrême droite, tout notre environnement nous incite à la passivité”
Dans notre tout nouveau numéro consacré à l’engagement, nous avons demandé à cinq penseurs ce qu’ils et elles feraient si le Rassemblement national arrivait au…
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“Pour Averroès, la religion n’est que la traduction inférieure de ce que la philosophie dit parfaitement” www.philomag.com/articles/pou...
“Pour Averroès, la religion n’est que la traduction inférieure de ce que la philosophie dit parfaitement”
“Pour Averroès, la religion n’est que la traduction inférieure de ce que la philosophie dit parfaitement” hschlegel dim 05/10/2025 - 18:00 En savoir plus sur “Pour Averroès, la religion n’est que la traduction inférieure de ce que la philosophie dit parfaitement” Averroès, philosophe arabo-musulman originaire d’Al-Andalus, est né il y a 900 ans. À cette occasion, l’Institut du monde arabe, à Paris, lui consacre un cycle spécial dans le cadre de ses conférences « Falsafa, les rendez-vous de la philosophie arabe ». Jean-Baptiste Brenet, professeur de philosophie arabe à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, nous présente ce penseur. [CTA2]   « Averroès : pour quoi faire ? » La conférence de Jean-Baptiste Brenet aura lieu en accès libre à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris, le mardi 7 octobre. Retrouvez toutes les infos sur le site de l’IMA. En partenariat avec Philosophie magazine.   Comment la transmission de l’œuvre d’Aristote s’est-elle effectuée auprès d’Averroès ? Jean-Baptiste Brenet : Averroès (1126-1998) a découvert les textes d’Aristote par le biais des traductions réalisées dans l’Islam oriental à partir du Xe siècle, l’époque de la grandeur de Bagdad (Irak), celle du « cercle d’al-Kindi » [lire à ce sujet notre grand entretien avec Emma Gannagé]. Les corpus scientifique et philosophique grecs sont alors traduits en arabe, parfois directement, parfois à partir du syriaque. Au gré de l’expansion de l’islam et de la circulation du corpus scientifique, Aristote parvient en Andalousie (al-Andalus), sous domination musulmane [lire notre article]. Averroès est l’héritier de cette translatio studiorum. Il reçoit la quasi-totalité du corpus d’Aristote (à l’exception des Politiques). Le néo-platonisme (Plotin, Proclus) est également présent, influent, mais il tâchera de s’en écarter pour épurer son « aristotélisme ». Averroès ne lit que l’arabe, pas le grec. Les traductions d’Aristote qu’il a sous les yeux sont de qualité inégale, il y est sensible, et cela stimule son effort d’exégète.   Averroès est surnommé “le commentateur”. En quoi consiste son travail ? Du point de vue professionnel, Averroès est d’abord un juge et un juriste. Il exerce aussi comme médecin – il sera le médecin personnel du calife, à la suite d’Ibn Tufayl [lire notre article]. Mais il est surtout philosophe, et s’il rédige quelques traités personnels, c’est à commenter Aristote qu’il aura en effet consacré sa vie. On distingue trois formes de commentaires. Les « Compendia », d’abord, ou « Épitomés », qui sont des synthèses des livres d’Aristote. Il s’agit d’œuvres de jeunesse, influencées entre autres par ses lectures d’Alexandre d’Aphrodise ou d’Ibn Bâjja (Avempace). Les « Commentaires moyens », ensuite, qui sont des paraphrases du Stagirite. Averroès résume le texte, le reformule, le plus souvent sans s’en écarter. On y voit à l’œuvre, toutefois, une synthèse intelligente, précise, qu’on peut qualifier de « néo-aristotélicienne ». Enfin, les « Grands commentaires », qui constituent des explications linéaires dans lesquelles Averroès découpe et cite le texte original, qu’il analyse presque mot à mot. C’est là que se manifestent sa subtilité et son génie d’interprète. Ce sont, justement, ces œuvres qui auront le plus d’influence dans le monde occidental latin : non seulement formellement (Averroès aura d’une certaine manière appris à l’Occident à lire le texte d’Aristote), mais conceptuellement, nombre de ses analyses devenant un bien commun de la scolastique.  “Pour Averroès, les philosophes n’ont pas besoin de la Révélation pour accéder à des vérités supérieures, car la philosophie explique intégralement l’Univers” Jean-Baptiste Brenet   Averroès est un philosophe musulman. En quoi sa foi influence-t-elle sa pensée ? Quand Averroès commente Aristote, en philosophe et pour des philosophes, il n’y a pas le Coran. La philosophie est autonome et indépendante, elle est pour lui l’expression parfaite de la vérité. On connaît la formule célèbre de la scolastique latine : « La philosophie est la servante de la théologie. » Cette idée, Averroès y est totalement étranger. Pour lui, la religion n’est jamais que la traduction inférieure de ce que la philosophie dit parfaitement, c’est-à-dire sous forme démonstrative et conceptuellement pure. Autrement dit, il n’a rien d’un exégète coranique, même s’il est convaincu de la véracité de sa religion. À l’entendre, la philosophie et la religion s’adressent à des types de personnes différents (même si aucun homme ne peut faire l’économie de l’enfance et de la société, et donc grandit dans une religion). Le Coran s’adresse à l’ensemble de l’humanité, de manière assez simple et imagée, tandis que la philosophie s’adresse à un nombre plus restreint de gens, qui ne raisonnent que par concepts et démonstration. Ces derniers n’ont pas besoin de la Révélation pour accéder à des vérités supérieures ; l’Univers, pour eux, est sans opacité, il s’explique intégralement. Cela étant, les vérités aristotéliciennes et religieuses ne s’opposent pas ; ce sont deux versants d’une même réalité. L’humanité a faim de vérité. La religion est là pour donner à l’ensemble des êtres humains le vrai sous une forme digeste, compréhensible, efficace, ce que la philosophie, dans sa complexité, ne saurait offrir.   Il existe pourtant des différences de taille entre les écrits d’Aristote et du Coran. Comment concilier les deux ? Les cas de figure sont simples. Soit la philosophie parle de ce dont ne parle pas le Coran, et il n’y a pas de conflit, mais coexistence, voire complémentarité. Soit les deux s’accordent explicitement, et c’est sans difficulté. Soit les paroles divergent. Dans ce cas, Averroès considère que la contradiction n’est jamais que superficielle, littérale. Le conflit de sens est évident, mais se règle. Pourquoi ? Parce que philosophie et Révélation sont deux expressions d’une seule et même vérité. La vérité ne se contredisant pas elle-même, il faut simplement trouver le moyen, en faisant jouer les significations, d’accorder les deux discours. Cela s’appelle l’interprétation. C’est l’opération qui dégage le sens « caché » du sens obvie. Le théologien al-Ghazali [lire notre article] – qu’Averroès récuse par ailleurs – soutenait déjà que tout musulman devait admettre qu’une lecture intégralement littérale du Coran et de la tradition ne tenait pas. Les paroles du Prophète sont toujours signifiantes, mais peuvent s’entendre à différents niveaux. Averroès y souscrit, à sa façon. En cas d’opposition avec les conclusions philosophiques, il faut interpréter le texte religieux. Seul le philosophe le peut et le doit, lui qui repère exactement le point de divergence et maîtrise le point d’arrivée. Par sa connaissance de la langue arabe, de la Révélation et de la tradition, il s’agir pour lui de faire jouer les significations pour faire en sorte que les formules du Coran rejoignent les démonstrations d’Aristote. “Selon lui, philosophie et Révélation sont deux expressions d’une seule et même vérité. Donc s’il y divergence entre les deux, les contradictions ne sont jamais que superficielles” Jean-Baptiste Brenet   Un exemple concret de cette approche ? Pensons à la question de la vie future. C’est l’un des dogmes qui vaut aux philosophes d’être taxés d’hérésie par al-Ghazali. En islam, non seulement l’âme est immortelle, mais elle retrouve son corps : c’est l’individu, corps et âme, qui jouit éternellement du paradis ou souffre éternellement de l’enfer. Le problème est double pour Averroès : d’une part, parce que comme ses prédécesseurs (Ibn Sina, c’est à dire Avicenne, en premier lieu), il récuse philosophiquement l’idée d’une résurrection des corps ; d’autre part, parce qu’en tant qu’aristotélicien, il soutient que l’âme individuelle se corrompt en même temps que le corps dont elle est la forme. Ce qui reste à la mort de l’individu, ce n’est que l’intellect, c’est-à-dire la puissance « spécifique » de penser, que cet individu aura mise en œuvre singulièrement au cours de sa vie mais qui, à sa disparition, trouvera à s’employer par le biais d’autres corps. Ce qui reste de nous, autrement dit, n’est pas « à » nous proprement ; c’est l’intelligence humaine, sans mémoire individuelle, sans affects, une pure capacité de penser.   Averroès semble au plus loin, ici, de la parole coranique. Tout son effort – mais il reste vague, car il rechigne à l’exercice – consiste à affirmer que la philosophie ne nie aucunement la vie future (ce qui serait bien hérétique), mais discute de sa modalité (ce qui ne l’est pas, et, de fait, n’a rien d’évident), et à suggérer que quand le Coran parle de la mort, comparée au sommeil, il faut en vérité comprendre avec Aristote que l’intellect commun perd seulement l’un de ses instruments, c’est-à-dire un corps individuel parmi d’autres ; et que sans être lui-même détruit, il se trouve associé à d’autres corps humains doués d’imagination qui, par le biais des images, viendront l’activer. C’est cela, la vie future : l’activité incessante de l’intellect de l’espèce, appuyé sur des corps quelconques, toujours disponibles. Il n’y a aucune immortalité personnelle. On comprend qu’Averroès n’ait pas souhaité l’exposer dans des textes non philosophiques.  “La vérité ne se contredisant pas elle-même, Averroès considère qu’en cas de divergences entre philosophie et Coran, il faut simplement trouver le moyen d’accorder les deux discours… par l’interprétation !” Jean-Baptiste Brenet   Averroès semble déployer une pensée assez intellectualiste, voire élitiste. Elle l’est incontestablement, et c’est un lot commun de la pensée arabe. Tout repose sur l’idée d’un partage anthropologique : s’ils relèvent tous d’une même espèce, tous les humains ne se valent pas ; il y a les gens de l’élite, il y a les gens de la foule, de la masse, qui se divise elle-même en plusieurs catégories. C’est une affaire de providence et de physico-chimie. Car c’est le « mélange » caractérisant les corps qui distingue les individus. Averroès pense que tous les hommes n’ont pas la même complexion, ce que l’on appellera plus tard l’ingenium. Nos corps dépendent d’un certain dosage, d’un équilibre entre les qualités élémentaires (le chaud, le sec, le froid, l’humide) qui conditionne ce qu’ils peuvent. Tout cela joue sur notre chair, sur notre mémoire, sur notre capacité de raisonner. L’usage que nous faisons de cette puissance immatérielle qu’est l’intellect dépend en effet d’un ancrage très corporel. Cela veut dire, en tout cas, qu’au sein de l’humanité, il existe des classes étanches, des groupes humains de constitution similaire, qui seront portés vers certaines activités et seront plus ou moins sensibles à certains types de discours. Cela étant, tous les humains le sont en tant qu’ils ont l’intellect pour essence, pour forme. C’est la rationalité qui fait le lien. Et la juste variété des régimes de discours doit permettre à chacun, en dépit des coupures, d’accéder au vrai dans la mesure qui lui convient.   Il y a les gens nés pour être philosophes, et les autres ? Oui. Sur la base d’une « nature » commune, il existe divers types de « naturels ». Mais pour Averroès, le destin de chacun dépend aussi de facteurs accidentels ou moraux (le lieu de naissance, le climat, l’éducation, la guerre, les maladies, etc.). Je peux être disposé à la philosophie sans jamais actualiser pleinement cette puissance, et la gâcher : par paresse, par distraction, faute de bons livres, de bons professeurs, de bonne fortune… Autrement dit, il ne suffit pas de naître philosophe, il faut le devenir ! Ce que je mange, l’air que je respire, la chance que j’aurai, mon courage, tout cela participe de ma construction. Le déterminisme n’est jamais total, par conséquent : Averroès défend un principe d’indétermination et d’engagement moral où se joue la liberté humaine.    Du vivant d’Averroès, la dynastie au pouvoir en Andalousie change : les Almoravides sont renversés par les Almohades. Il existe notamment une controverse entre eux au sujet du dieu anthropomorphe. Comment Averroès se positionne-t-il dans cette affaire ? Les Almohades reprochent aux Almoravides, qui se voulaient eux-mêmes fermes, d’avoir dévoyé le dogme. Ils entendent notamment réaffirmer le principe d’immatérialité de Dieu. Certains passages du Coran ou de la tradition, lus littéralement, peuvent laisser penser que Dieu est une sorte de super-homme, qu’Il serait doté d’un corps et d’attributs physiques. Par exemple, le hadîth de Muhammad disant : « La pierre noire est la main droite de Dieu sur terre. » Dieu aurait donc une main ? Al-Ghazali martèle qu’on ne saurait le dire, que ce serait aller contre Son absolue transcendance, et qu’une telle parole ne vaut qu’analogiquement. La position d’Averroès aura évolué sur cette question. Non pas philosophiquement, puisque le « dieu » d’Aristote n’est rien qu’un Intellect, moteur de l’Univers, et qu’il n’a rien de corporel, mais – sous la pression du pouvoir – s’agissant du discours qu’on peut adresser à la foule. Si celle-ci ne peut rien se figurer qu’en l’imaginant, une certaine anthropomorphisation de Dieu n’est-elle pas acceptable, voire nécessaire, qui permet à l’individu religieux de se représenter en partie le Créateur ? Averroès explique que ce n’est pas l’image comme telle, par conséquent, qui pose problème, mais le type d’image qu’on choisira. En l’occurrence, il faut donner au vulgaire l’image que Dieu donne de Lui-même dans le Coran. Qu’est-ce que Dieu ? Il est « lumière ». Voilà une bonne figuration, dira Averroès ; non seulement parce qu’elle vient de Dieu même, mais parce que la lumière est, dans l’ordre sensible que la foule comprend, la plus subtile des réalités. Et le philosophe lui aussi, d’interprétation en interprétation, saura s’y retrouver… “Qu’est-ce que Dieu ? Il est ‘lumière’. Voilà une bonne figuration, dira Averroès ; non seulement parce qu’elle vient de Dieu même, mais parce que la lumière est, dans l’ordre sensible que la foule comprend, la plus subtile des réalités” Jean-Baptiste Brenet   Quel est l’intérêt pour le pouvoir d’avoir quelqu’un comme Averroès à ses côtés ? Sans doute les premiers califes almohades ont-ils sincèrement aimé la philosophie et souhaité défendre la rationalité, qui s’accordait en partie avec l’idéologie de leur guide, Ibn Tûmart [lire notre article]. Ils avaient besoin d’Averroès pour défendre, d’un point de vue juridique et religieux, cette option « rationalisante », pour assurer qu’elle ne contrevenait pas aux dogmes de l’islam. Averroès, de son côté, y trouvait lui aussi un intérêt majeur. Non pas matériel, professionnel, égoïste. Son souci, je crois, est plus profond, il est métaphysique. La nature ne fait rien en vain. Il ne peut pas y avoir d’espèce qui soit vaine, c’est-à-dire de puissance qui ne soit pas destinée à s’actualiser – on retrouve Aristote. Or l’humain est une espèce rationnelle, faite pour penser, et toujours menacée par son désœuvrement, son impuissance. Puisque l’homme ne peut vivre qu’en société, il faut donc impérativement bâtir la cité « vertueuse » qui permettra à la philosophie d’advenir et de se déployer. Quelle est cette cité ? Celle d’un pouvoir fort, au dehors, au-dedans, qui permet à tout le monde, sans la perturbation des théologiens, d’embrasser l’islam, et qui, sans publicité, donne à la philosophie les moyens de s’exercer. C’est cela qu’Averroès aura trouvé auprès de ses protecteurs pendant plusieurs décennies.    J’ai lu qu’Averroès était mort sur la roue, ou bien écrasé par une charrette, ou encore étouffé par un serpent. A-t-on le fin mot de l’histoire ? Tout cela est faux. Il est mort à Marrakech, sans qu’on sache de quoi, ni comment – sans doute était-il malade. Ce qui est sûr, c’est qu’à la fin de sa vie, Averroès a dû subir un exil d’un an, probablement victime de querelles de palais. Peu avant son décès, le calife l’avait rappelé auprès de lui. Son corps fut d’abord enterré à Marrakech avant d’être transféré à Cordoue, dit-on, où – sans preuve archéologique certaine – il reposerait encore aujourd’hui. octobre 2025
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🛏 Le saviez-vous ? 10% de la population française pratique, en couple, les chambres séparées. Notre journaliste Clara Degiovanni nous explique pourquoi elle fait elle aussi partie de cette catégorie, dans un article en accès libre sur notre site : www.philomag.com/articles/un-...
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Selon le philosophe Georges Sorel (1847-1922), les mouvements sociaux tirent leur pouvoir des “images motrices” qu’ils produisent dans les esprits, davantage que de leurs revendications concrètes. ➤ Illustration avec l’appel au blocage initié en France le 10 septembre ?
“Bloquons tout !” : un nouvel imaginaire de la contestation
Selon le philosophe Georges Sorel (1847-1922), les mouvements sociaux tirent leur pouvoir des « images motrices » qu’ils produisent dans les esprits davantage…
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Qui était Hélène Rytmann, tuée par son mari Louis Althusser ? www.philomag.com/articles/qui...
Qui était Hélène Rytmann, tuée par son mari Louis Althusser ?
Qui était Hélène Rytmann, tuée par son mari Louis Althusser ? hschlegel sam 04/10/2025 - 15:00 En savoir plus sur Qui était Hélène Rytmann, tuée par son mari Louis Althusser ? On ne sait presque rien d’elle, sinon qu’elle a été étranglée à mort par son mari le philosophe Louis Althusser, en 1980. Dans un récit biographique écrit avec empathie, Les Fragments d’Hélène (Julliard, 2025) la journaliste Johanna Luyssen s’intéresse à la figure de cette femme oubliée et interroge un uxoricide à la fois banal et hors du commun. [CTA2]   On ne sait même pas exactement comment il faudrait l’appeler, et c’est déjà tout sauf anecdotique. Faut-il l’appeler Hélène Althusser, puisqu’elle a été mariée avec Louis ? À l’évidence pourtant, il serait particulièrement impudent de la désigner par son nom d’épouse qui n’est autre que le nom de son meurtrier. Plutôt Hélène Rytmann (voire Rittmann, puisque c’est le premier nom biffé sur son acte de naissance et également le nom paternel), qui est l’identité qui figure sur les documents officiels de l’état civil ? Ou Hélène Legotien, du nom qu’elle s’est donnée quand elle s’est engagée dans la résistance durant la Seconde Guerre mondiale ? Et pourquoi pas Hélène Rytmann-Legotien ? Johanna Luyssen, journaliste à Libération et autrice de la première grande biographie de cette femme, s’est finalement résolue à « l’appeler Hélène », tout simplement, en s’étonnant elle-même de son choix. “C’est drôle parce que chez les féministes, on se méfie des personnes qui appellent les femmes par leur prénom. J’ai passé des années à lutter contre les gens qui disaient ‘Ségolène’ ou ‘Rachida’, et me voilà qui tourne autour d’‘Hélène’. Mais les choses se meuvent dans la vie et il m’a semblé que ce prénom disait tout d’elle, et la poésie et la mer, et la force et le langage. Il m’a semblé que le prénom Hélène la révélait davantage que ses patronymes changeants, ses noms de code et d’épouse. Il racontait aussi sans doute la tragédie qui l’attendait” Johanna Luyssen, Les Fragments d’Hélène (Julliard, 2025) Allant chercher dans les archives personnelles situées à l’Imec, dans les journaux de l’époque, au cimetière de Bagneux où elle est enterrée, voici donc une enquête écrite à la première personne, qui se revendique ouvertement du « féminisme » et qui retrace de manière aussi sensible que poignante l’histoire de cette femme née en 1910 et morte en 1980, à laquelle l’histoire n’a jamais réellement prêté attention. Une femme juive, entrée au Parti communiste en 1922, résistante, qui a fréquenté Albert Camus et le couple formé par Louis Aragon et Elsa Triolet, dont le rôle dans la résistance semble avoir été important mais qui a pourtant subi diverses accusations (d’avoir torturé des collabos ? d’avoir aidé à la relaxe d’un tortionnaire ?) qui ont conduit à son exclusion du Parti. Hélène Rytmann est aussi et surtout une femme qui a été écrasée par la figure imposante de celui qu’elle a rencontré au sortir de la guerre et qui allait devenir son mari, en l’occurrence le charismatique philosophe Louis Althusser (1918-1990), célèbre et influent, interprète du marxisme, à la fois partisan et critique du structuralisme, longtemps professeur à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm où il a profondément fasciné plusieurs générations d’étudiants qui ont trouvé en lui un génial maître à penser. C’est d’ailleurs dans les locaux de l’ENS, où ils vivaient, qu’il a tué sa femme un matin de novembre 1980. Est-ce rendre justice que d’appeler un acte de folie un meurtre ? En consacrant son livre à la figure oubliée d’Hélène, Johanna Luyssen entend-elle rétablir une justice dont elle estimerait qu’elle n’a pas été rendue, comme pour procéder à la comparution qui n’a jamais eu lieu ? Assurément – et l’autrice ne cache pas qu’à ses yeux, sa mort n’a pas été autre chose qu’un authentique et sordide crime alors que, d’un point de vue médico-judiciaire, Louis Althusser a bénéficié d’un non-lieu : il est avéré qu’il souffrait de graves troubles psychiatriques depuis de nombreuses années et, au moment du drame, sa psychose maniaco-dépressive aurait aboli son discernement. Mais Luyssen ne se satisfait pas de cette version officielle et répète que c’est un meurtre, même si celui-ci a la caractéristique d’avoir été commis par un membre éminent de l’intelligentsia parisienne. “C’était un meurtre sensationnel. C’était un meurtre spectaculaire. C’était un meurtre rive gauche. Il fut si abondamment commenté que tout le monde en oubliait que l’étranglée, c’était elle” Johanna Luyssen, ibid. Tous les hommes atteints de psychose maniaco-dépressive ne tuent pas, argumente la journaliste (qui distingue à cette occasion l’uxoricide, c’est-à-dire le fait de tuer son épouse, et le féminicide, qui correspond au fait de tuer une femme en raison de son genre). Elle a bien sûr raison de rappeler que les malades mentaux ne sont pas plus violents que les autres, et qu’ils sont avant tout davantage victimes de violence. On peut toutefois émettre des réserves sur le point de vue qu’elle exprime, étant donné la complexité de cas comme celui-ci qui exigent autant de compétences psychiatriques qu’ils requièrent d’expertise judiciaire – dont une partie demeure secrète, secret médical oblige. Une tragédie qu’on aurait pu prévoir ? Ce n’est pas en se hasardant sur le terrain médical mais bien en investissant le terrain mémoriel que l’on peut rendre justice à Hélène, c’est-à-dire en en l’arrachant à son invisibilisation. Et c’est bien ce que fait Johanna Luyssen avec une colère froide quand elle montre qu’en plus de lui avoir ôté la vie, Althusser a aussi dépossédé Hélène de sa mort dans la mesure où « cet homme avait fait d’Hélène un personnage secondaire de sa propre mort ». Mais ne l’a-t-il pas également dépossédée du sens de son existence ? La question se pose, compte tenu que le contraste est frappant entre le peu d’éléments dont nous disposons sur l’épouse par rapport à l’abondante documentation que l’on peut trouver sur le célèbre mari.  Pis, la plupart des informations que nous avons sur elle – les violences sexuelles qu’elle aurait subies dans son enfance, par exemple –, nous les connaissons à travers le prisme des témoignages que lui a livrés dans L’Avenir dure longtemps, l’autobiographie rédigée par Louis Althusser en 1985, cinq ans après le meurtre, ce qui fait réagir ainsi l’autrice : “Excusez-moi de le dire aussi crûment, mais c’est l’œuvre d’un fou qui n’a pas été jugé pour meurtre. Il y consigne bon nombre de ses fantasmes” Johanna Luyssen, ibid. Dans cet ouvrage, Althusser reconnaît que la relation s’était dégradée entre eux, au point que sa femme ne voulait plus vivre avec celui qu’elle considérait comme un « monstre » et qu’elle avait pris la résolution de le quitter. Mais il ne dit pas tout. Un autre témoignage, livré par un collègue d’Hélène, le sociologue Roger Cornu, est d’une tonalité différente : alors qu’elle séjournait dans la région marseillaise, Hélène lui aurait confié quelques jours avant sa mort qu’Althusser était « mal », « violent » et qu’elle « appréhend[ait] le retour » de son mari, qui ne supportait pas l’idée d’être quitté. L’auteur Jo Ros, de son côté, l’avait alors trouvée « fébrile » et « inquiète ». Y avait-il des signes avant-coureurs du passage à l’acte à venir ? Dans son autobiographie, Louis Althusser propose une autre explication. Il « explique » son geste qu’il considère comme involontaire et en le rangeant dans la catégorie des « suicides altruistes » : c’est elle-même qui voulait mourir, assure-t-il, et qui lui avait plus ou moins demandé de la tuer… et donc, c’est très logiquement pour lui épargner des souffrances certaines qu’il l’aurait étranglée ! Une “femme de”… Cette strangulation est-elle un geste de « toute-puissance, de contrôle absolu sur l’autre », comme l’écrit Johanna Luyssen ? Il est vrai que tout rappelle une situation d’emprise et de domination symbolique qu’on ne connaît que trop. Tous les deux étaient communistes et érudits, mais les points communs s’arrêtent là puisque leurs destins ont emprunté des chemins bien différents. Autant lui était un philosophe célèbre et très en vue, titulaire d’un poste prestigieux, autant elle, qui s’était orientée vers l’histoire et l’écriture romanesque puis la sociologie, avait trouvé un emploi plus modeste au sein de la Sédés (Société d’études pour le développement économique et social) où elle était chargée d’études, spécialiste de la condition ouvrière. Doit-on considérer pour autant qu’il lui a fait de l’ombre et que s’ils n’avaient pas vécu ensemble, elle aurait eu une plus brillante carrière, et lui une moins brillante ? Ce serait pure spéculation de le prétendre – même si la journaliste se saisit de l’occasion pour rendre hommage à toutes les compagnes qui assistent leurs compagnons sans recevoir la reconnaissance qu’elles mériteraient ; dont acte. Toujours est-il que les témoignages s’accordent à reconnaître que Louis Althusser, séducteur flamboyant, faisait forte impression sur toutes celles et ceux qui le côtoyaient, tandis qu’Hélène, elle, est régulièrement décrite comme petite et effacée sous son modeste béret. Luyssen raconte même que leur relation ne manque pas de susciter régulièrement une forme d’incompréhension, jusque dans les journaux comme le JDD qui s’autorisait alors à commenter l’annonce de leur mariage tardif de manière ignominieuse : « Pourquoi donc Louis Althusser, 58 ans, philosophe, épouse-t-il ce jour de 1976 Hélène Legotien, 66 ans, retraitée ? Tout le monde s’étonne. » Malaise dans la culture misogyne des philosophes ? C’est à ce niveau que le livre de Johanna Luyssen prend un nouveau relief, car il nous invite à nous interroger sur la misogynie ordinaire qui nous empêche de voir la démence et la violence là où elles sont, y compris dans les prétendus temples de la rationalité. Pointant du doigt l’indignité des réactions médiatiques que l’annonce de la mort d’Hélène a suscitées dans le milieu intellectuel, interrogeant la complaisance et le traitement de faveur dont le célèbre philosophe a peut-être bénéficié grâce à sa notoriété et à ses soutiens, on se demande comment on aurait personnellement réagi à cette époque… « L’affaire Althusser », comme on l’appelle parfois, est notre affaire à tous. Et aujourd’hui ? Le fait que Louis Althusser ait tué sa femme a-t-il une incidence sur la manière dont nous devons considérer le philosophe ? Si oui, laquelle exactement ? Faut-il le « canceller » et renoncer à lire ses travaux ? Sinon, peut-on faire comme si de rien n’était ? Le malaise Althusser dépasse largement le cas de ce couple que Luyssen rapproche de celui formé, dans l’Antiquité, par Socrate avec Xanthippe – sa femme dont on ignore tout sauf le fait qu’elle passait pour une épouse extrêmement acariâtre. Et la journaliste de nous renvoyer à notre responsabilité collective : les hommes philosophes qui semblent ne rien désirer tant que, comme elle l’écrit, rester « entre couilles avec [leurs] disciples [masculins] », auraient-ils un problème avec les femmes ?   Les Fragments d’Hélène, de Johanna Luyssen, vient de paraître aux Éditions Julliard. 192 p., 21€, disponible ici. octobre 2025
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Et si l’on prenait Voltaire au sérieux ? Longtemps réduit à ses contes, connu pour son ironie mordante mais pas pour des “concepts” singuliers, Voltaire fut pourtant un philosophe à part entière.

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Nous ne sommes pas tous égaux devant le sommeil. Mais pourquoi les lève-tard subissent-ils les diktats de la minorité qui se réveille dès potron-minet ? Réponse d’Anne-Sophie Moreau dans sa chronique “Nouvelles vagues” issue de notre tout nouveau numéro.
La tyrannie des lève-tôt : la chronique d”Anne-Sophie Moreau
Nous ne sommes pas tous égaux devant le sommeil. Mais pourquoi les amateurs de grasse matinée subissent-ils les diktats de la minorité qui se réveille dès…
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