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Un ouvrage intitulé “Qu’est-ce que la philosophie ?” On imagine a priori une lecture un brin scolaire. Pourtant, Jean-Baptiste Brenet signe un essai étonnant en forme d'éloge de la nuit ! Dans notre nouveau numéro, Martin Duru éclaire les enjeux de ce livre.
“Qu’est-ce que la philosophie ?” : veiller sur les lucioles avec Jean-Baptiste Brenet | Philosophie magazine
« On peut aimer le soleil […] mais pour approcher ce que philosopher désigne, je voudrais parler un peu de la nuit et de l’obscurité » : un ouvrage intitulé Qu…
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November 26, 2025 at 6:00 AM
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Les consommateurs de drogue ont-ils du sang sur les mains ?
Les consommateurs de drogue ont-ils du sang sur les mains ? nfoiry mar 25/11/2025 - 21:00 En savoir plus sur Les consommateurs de drogue ont-ils du sang sur les mains ? « “Non, je ne me tairai pas. Je dirai la violence du narcotrafic.” Le combat d’Amine Kessaci contre les violences liées au trafic de drogue a bouleversé la France et suscité une prise de conscience inédite. Il a aussi donné lieu à des débats houleux sur les moyens pour engager cette lutte. J’aimerais revenir ici sur une dimension qui me semble avoir été un peu négligée : la responsabilité des consommateurs. [CTA1] Je dois d’abord faire une confession, pour expliquer d’où je parle. Oui, comme des millions de Français, j’ai déjà pris de la drogue : du cannabis à l’adolescence et de la cocaïne dans ma vingtaine (pour tester). Dans mon entourage, je ne dirais pas que tout le monde en prend, mais pas loin. Ecstasy, MDMA, champis… Toutes les semaines, quelqu’un me raconte une soirée sous influence. J’écoute, curieuse et amusée, tant les récits sont bon enfant et égaient un quotidien déprimant – l’époque va mal. Si je reste spectatrice, c’est que j’ai la “chance” d’aimer l’alcool et de ne pas ressentir le besoin de passer à autre chose. Surtout, la drogue me fait peur. Je crains qu’elle ne me fasse perdre les pédales comme elle l’a fait chez tant de gens : apprendre que le premier chanteur des Pink Floyd, Syd Barrett, n’était jamais redescendu d’un trip m’a sans doute immunisée. ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. Régulièrement, j’éprouve quand même un malaise. Je sens que certains sujets sont compliqués à aborder. Et le livreur de 17 ans que tu as contacté via WhatsApp, tu ne penses pas que tu ruines un peu son avenir ? Et la dernière fois que tu as “pris une trace” et que, le même jour, deux hommes ont été fusillés à Marseille, tu ne t’es pas dit qu’il y avait un petit lien ? Et tu ne crois pas que tu prends de la drogue parce que tu aimes le frisson de l’interdit et que, du coup, tu participes d’un système qui ne peut que mal tourner ? Évoquer la responsabilité des consommateurs dans la violence générée par le narcotrafic paraît tabou. Même quand j’ai proposé un article dessus, en conférence de rédaction, j’ai vite été soupçonnée de vouloir faire la morale aux gens.  Dissonance cognitive dans la brume Les consommateurs de drogue ont-ils du sang sur les mains ? La question – certes provocatrice – a de quoi déranger, mais il me semble important de pouvoir la poser. Non pas pour défendre illico une société du “tout répressif” (spoiler : ce n’est pas ma position) mais pour tenter de comprendre pourquoi, précisément, les débats sur la drogue semblent viciés. C’est comme si, soudain, la chaîne de causalité entre la production d’un objet et sa consommation disparaissait. J’entends les objections : “Ce n’est pas mon problème, l’État n’a qu’à réussir sa mission… Et puis d’abord, qui te dit que c’est ce gramme-là de coke qui est responsable de la fusillade à Marseille ?” En effet, impossible de le savoir. Mais impossible de l’ignorer non plus. Dressons un parallèle avec Shein, autre grand débat du moment. Lorsque la marque de vêtements s’est installée au BHV, la question de la responsabilité des consommateurs s’est posée. À ce moment-là, tout le monde paraissait d’accord : il ne fallait pas alimenter le succès d’une entreprise qui employait des enfants et dont des employés mouraient au travail. Là aussi, les informations ne permettaient pas d’établir un lien absolu entre létalité de la production et responsabilité de la consommation. Mais ce flou artistique n’était pas considéré comme un argument recevable pour justifier de soutenir Shein. Alors, pourquoi serait-ce différent avec la drogue ? Je crois que cette dissonance cognitive est l’une des composantes du problème – pas la seule évidemment, les logiques internes au marché de la drogue demeurant essentielles.  Liberté et responsabilité Que faire de notre responsabilité ? Philosophiquement, cette notion est liée à celle de liberté. Je suis libre car je suis responsable de mes choix, et je dois en rendre compte quand ils nuisent à autrui. Or, aujourd’hui, concernant la drogue, on constate un double malentendu. D’un côté, les personnes qui revendiquent la liberté de consommer de la drogue nient en même temps leur responsabilité personnelle dans les ravages causés par le narcotrafic. D’un autre côté, la droite, attachée à l’idée de liberté lorsqu’il s’agit de défendre le monde de l’entreprise ou la liberté d’expression, semble d’un coup se méfier comme de la peste de cette notion. Emmanuel Macron a lui-même plongé dans cette contradiction : alors qu’en 2016, il vantait les mérites de la légalisation du cannabis, il se fait aujourd’hui le héraut de la “tolérance zéro” – abandonnant la cohérence libérale au profit d’un calcul électoral bien facile.  Dire à quelqu’un : “tu es responsable” ne devrait pas être considéré comme une insulte. Oui, les consommateurs de drogue sont en partie responsables de la violence du narcotrafic. Ils ne sont pas les premiers responsables, ni les seuls, ni les pires, et ce ne sont pas d’horribles personnes pour autant. Surtout, si l’on croit que les humains sont capables de faire des choix éclairés qu’ils jugent bons pour eux-mêmes, et même si l’on désapprouve moralement ces choix, alors il faut avoir le courage de croire à la liberté jusqu’au bout. Et donc d’examiner sérieusement l’idée d’une dépénalisation des drogues dont a minima, ni la production, ni la consommation ne nuiraient à autrui. Quelles seraient de telles drogues ? Sous quelles conditions pourraient-elles être fabriquées et consommées en France ? Ce sont des questions importantes, trop peu évoquées dans le débat public, qui ne sauraient être éludées par les responsables politiques authentiquement attachés à la liberté.  » novembre 2025
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November 25, 2025 at 9:15 PM
Pourquoi l’affaire Epstein ébranle le mouvement Maga www.philomag.com/articles/pou...
Pourquoi l’affaire Epstein ébranle le mouvement Maga
Pourquoi l’affaire Epstein ébranle le mouvement Maga hschlegel mar 25/11/2025 - 17:00 En savoir plus sur Pourquoi l’affaire Epstein ébranle le mouvement Maga Les revirements de Donald Trump sur les « Epstein files » ont semé la zizanie chez ses partisans, très impliqués sur le sujet. Le président américain aurait-il quelque chose à cacher ? Retour sur des mois de polémiques et ce qu’elle dit du rapport à la vérité chez les partisans de Trump. [CTA2] Du pain bénit pour les complotistes L’affaire Epstein obsède depuis des années l’opinion publique américaine. Elle est rapidement entrée en résonance avec certaines théories du complot véhiculées dans le camp républicain. Au sein du mouvement QAnon, très proche de la nébuleuse « Maga », beaucoup sont en effet convaincus de l’existence d’un réseau mondial d’élites s’adonnant sans vergogne à la pédophilie, récoltant l’adrénochrome – substance prétendument rajeunissante – à partir de sang d’enfants. L’homme d’affaires et célèbre criminel sexuel américain Jeffrey Epstein, mort en prison en 2019, est présenté comme un maillon central de ce réseau. “Donald Trump figure dans les dossiers Epstein. C’est pour ça qu’ils n’ont pas été rendus publics” Elon Musk   En promettant de rendre publics les « Epstein files », le « dossier Epstein », pendant la campagne présidentielle de 2024, Donald Trump est devenu le héraut de ces complotistes en guerre contre ce qu’ils pensent être une cabale pédophile et sataniste. Pour l’« influenceur » QAnon Mama Wolf, certains « message secrets codés » de Trump indiquaient sa volonté de démanteler ce grand système. Au début du second mandat de Trump, Peter Thiel, magnat de la Silicon Valley, allait jusqu’à annoncer une apocalypse – une grande « révélation », au sens étymologique : « Le retour de Trump à la Maison-Blanche augure l’apokálypsis des secrets de l’ancien régime. » Une “révélation” qui se fait attendre… Sauf que le grand dévoilement n’a pas lieu. En mai 2025, Pam Bondi, ministre fédérale de la Justice, informe le président que son nom figure dans le dossier Epstein – l’information sera publiquement confirmée le 23 juillet. Elon Musk, brouillé avec le chef d’État, en profite pour l’attaquer sur X, mobilisant à nouveau une rhétorique complotiste : « Donald Trump figure dans les dossiers Epstein. C’est la véritable raison pour laquelle ils n’ont pas été rendus publics. Bonne journée, Donald Trump ! » “Je connais Jeff depuis quinze ans. C’est un type formidable, qui aime les belles femmes autant que moi” Donald Trump   Trump est pris à son propre piège. Face au refus réitéré de l’administration de publier le dossier, le camp républicain se divise. En juillet, 36% des soutiens du parti dénoncent la gestion de ce scandale, selon un sondage réalisé par l’université de Quinnipac, quand 40% l’approuvent. Des déclarations passées de Donald Trump refont surface : « Je connais Jeff depuis quinze ans. C’est un type formidable. C’est un plaisir de le fréquenter. On dit même qu’il aime les belles femmes autant que moi, et beaucoup d’entre elles sont plus jeunes. » La mort d’Epstein en prison pendant le premier mandat de Trump, classée comme un suicide, refait l’objet de thèses conspirationnistes. … et un véritable panier de crabes À la fin de l’été, une proposition de loi imposant la publication du dossier est lancée, le Epstein Files Transparency Act. Trump demande dans un premier temps aux Républicains de ne pas la voter. Il dénonce, à qui veut l’entendre, un « canular démocrate ». Dans la dernière ligne droite, une partie des documents incriminant le président fuitent. « Bien sûr, [Trump] était au courant pour les filles », écrit Epstein, qui glisse encore : « J’ai rencontré des gens très mauvais. Aucun ne l’était autant que Trump. Il n’y a pas une seule cellule décente dans son corps. » Dans un autre e-mail, Epstein le qualifie de « chien qui n’a pas aboyé ». La base électorale de Trump se déchire un peu plus. Mi-novembre, la représentante Marjorie Taylor Greene, figure importante du mouvement Maga, rompt avec le président, dénonçant de manière véhémente son manque de transparence sur l’affaire. “J’ai rencontré des gens très mauvais. Aucun ne l’était autant que Trump. Il n’y a pas une seule cellule décente dans son corps” Jeffrey Epstein   Face aux pressions, Trump fait finalement volte-face. Le 16 novembre, il appelle les républicains de la Chambre à voter en faveur de la divulgation des dossiers, et il promulgue la loi, tout en annonçant une enquête fédérale sur les liens entre le prédateur sexuel et des démocrates, dont Bill Clinton. Pour Alexander Hinton, professeur en anthropologie cité dans The Conversation :  “Trump a probablement joué un coup stratégique brillant, en déclarant soudainement : ‘Je suis tout à fait favorable à sa divulgation. Ce sont en réalité les démocrates qui sont ces élites maléfiques, et maintenant nous allons enquêter sur Bill Clinton et les autres.’ Il reprend le contrôle du récit, il sait parfaitement comment faire, et c’est intentionnel” Alexander Hinton Menteur, menteur Le retournement n’en apparaît pas moins, pour beaucoup, comme la décision d’un homme acculé. À bien des égards, l’affaire Epstein ébranle certains fondamentaux qui fédérèrent le mouvement Maga. Selon Alex Hinton, ce dernier se structure autour de cinq piliers : l’Amérique ; les frontières à sécuriser ; le rejet du mondialisme ; la liberté d’expression ; la fin des guerres à l’étranger. « J’ajouterais l’insistance sur “Nous, le peuple”, opposé aux élites, précise l’universitaire dans l’article précité. Chacun de ces piliers est étroitement lié à une dynamique clé du mouvement Maga, à savoir la théorie du complot. Et ces théories du complot sont en général anti-élites et opposant “Nous, le peuple” à ces dernières. » “Ni le statut de milliardaire ni celui de chef d’État n’ont suffi à convaincre ses soutiens que Trump appartient à cette élite qu’il dénonce”   Tant que Trump parvenait à maintenir l’image d’un président défendant les intérêts du peuple contre des élites supposément perverses, ses partisans lui passaient sans trop de problèmes ses innombrables mensonges, ses frasques, ses adultères, ses condamnations pour agression sexuelle. L’ensemble de ces accusations, plutôt que de discréditer Trump, ont pu être perçues par ses supporters comme une tentative de museler un « parrhésiaste » comme le dit Michel Foucault : celui qui dit vrai, parle franchement. La nébuleuse Maga a souvent été galvanisée par ces accusations lancées contre un homme qui dérangeait l’establishment corrompu du soi-disant « État profond ». Un homme qui, assurément, n’était pas parfait, mais dont les travers étaient facilement excusés. Ni le statut de milliardaire ni celui de chef d’État n’ont suffi à convaincre ses soutiens que Trump appartient à cette élite qu’il dénonce. Trump a-t-il encore des cartes en main ? Tout change en revanche dès lors que ses mensonges apparaissent au grand jour. Le parrhésiaste peut certes mentir, tant que son mensonge ne concerne pas l’objet même au sujet duquel on attend de lui qu’il dise, non pas « le vrai », mais « vrai ». Il n’a de force que par la conviction qu’il exprime, peu importe que son discours soit objectivement vrai ou faux. Le franc-parler de Trump qui ne ménage d’ordinaire personne, en dépit de son caractère souvent délirant, séduit une grande partie des Américains par cet engagement intime, viscéral. Sur l’affaire Epstein, ses atermoiements marquent une rupture avec la parrêsia foucaldienne. Trump se débat, essaie de se tirer d’affaire, là où le parrhésiaste ne transige pas et dit le fond de son cœur sans se préoccuper des conséquences, au péril parfois de sa vie. Le camp républicain sera-t-il indéfiniment fracturé ? Difficile à dire. Sans doute faudra-t-il attendre le dévoilement du dossier et l’analyse de son contenu (d’ici un mois environ) pour voir une tendance à long terme se dessiner. Pour Alex Hinton, l’affaire aura sans doute un effet plus limité qu’on ne le pense : “Beaucoup de membres de Maga ont compris qu’il fallait rester fidèle à Trump […] La rupture que nous observons est celle de Trump avec l’une de ses principales partisanes du Maga, l’élue républicaine de Géorgie Marjorie Taylor Greene, et non celle de la base partisane du Maga avec Trump” Alexander Hinton Certaines franges de l’électorat trumpien pourraient être plus affectées : « Il existe une réelle inquiétude, notamment parmi les chrétiens fervents du mouvement Maga, pour qui le trafic sexuel est un sujet central. » Mais à en croire Hinton, le trumpisme a encore de beaux jours devant lui. novembre 2025
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November 25, 2025 at 5:15 PM
Menace d’une guerre en Europe : “Le spectre de la défaite anticipée fait son retour” www.philomag.com/articles/men...
Menace d’une guerre en Europe : “Le spectre de la défaite anticipée fait son retour”
Menace d’une guerre en Europe : “Le spectre de la défaite anticipée fait son retour” hschlegel lun 24/11/2025 - 21:00 En savoir plus sur Menace d’une guerre en Europe : “Le spectre de la défaite anticipée fait son retour” « Alors que Trump et Poutine s’apprêtent à sceller le sort de l’Ukraine – et demain peut-être de l’Europe – par-dessus le dos des intéressés, ici même, dans le confort de la paix et de la sécurité, certains refusent l’idée que nous devrions nous préparer à défendre nos frontières et nos libertés, au prix de la vie. Oubliant ainsi la grande leçon qu’un Marc Bloch ou un Merleau-Ponty avaient tirée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. [CTA1] “Nous ne sommes pas prêts” “Ce qu’il nous manque c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est. Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, de souffrir économiquement, parce que les priorités iront à de la production défense, alors on est en risque.” Sans doute maladroit (le terme “d’enfant” dans le vocabulaire militaire désigne les soldats et non les mineurs, pensons à l’entame de La Marseillaise !), l’avertissement lancé par le chef d’état-major des armées Fabien Mandon, lors du congrès des maires de France la semaine dernière, était destiné à alerter sur la menace d’une attaque russe contre l’Europe et la nécessité de se préparer à un tel affrontement. ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. Les réactions : un étrange renoncement anticipé Tombés quelques jours avant l’annonce du plan en forme de capitulation de Donald Trump pour l’Ukraine, ces propos ont provoqué une vague de réactions… négatives. Depuis Jean-Luc Mélenchon faisant part de son “désaccord total” vis-à-vis de “préparations guerrières décidées par personne” jusqu’au RN, où l’on dénonçait une “faute”, en passant par Philippe De Villiers, qui faisait part de sa “honte” et appelait à “se concentrer sur la France, ses frontières et sa souveraineté” où “nos enfants se font déjà tuer dans nos banlieues”… Même la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a cru utile de recadrer Fabien Mandon, rappelant que la France dispose d’une armée de métier et qu’en conséquence, “nos enfants, au sens où on l’entend, ne vont pas aller combattre et mourir en Ukraine”. Autrement dit : ne vous projetez pas dans la possibilité de la guerre, elle concerne les Ukrainiens en Ukraine, et si affrontement il devait y avoir sur le sol européen et même français, il ne concernerait que nos soldats… qui ne sont pas nos enfants. Étrange renoncement anticipé, me suis-je dit, en entendant ces réactions en chaîne et alors que l’on découvrait l’ampleur des concessions que Donald Trump s’apprête à faire à Vladimir Poutine avec son plan de paix en 28 points (mais qui est, apparemment, quand même en cours de réécriture) et la pression qu’il exerce sur les Ukrainiens et les Européens pour qu’ils battent en retraite. Et si la défaite, que le chef d’état-major des armées redoute pour l’avenir, avait en réalité déjà eu lieu ? Entre aveuglement et mémoire courte ? “Nous avions secrètement résolu d’ignorer la violence et le malheur comme éléments de l’histoire, parce que nous vivions dans un pays trop heureux et trop faible pour les envisager.” Voilà le constat que faisait Maurice Merleau-Ponty en juin 1945 dans l’éditorial du premier numéro des Temps modernes, la revue qu’il fondait alors avec Sartre et Beauvoir, au nom de la responsabilité retrouvée. Intitulé “La guerre a eu lieu”, ce texte revient sur les illusions pacifistes dont s’étaient bercés une majorité de Français et d’intellectuels qui n’avaient pas voulu voir venir l’hitlérisme et la guerre à la fin des années 30. “Nous habitions un certain lieu de paix, d’expérience et de liberté, formé par une réunion de circonstances exceptionnelles, et nous ne savions pas que ce fut là un sol à défendre, nous pensions que c’était le lot naturel des hommes… Habitués depuis notre enfance à manier la liberté et à vivre une vie personnelle, comment aurions-nous su que c’étaient là des acquisitions difficiles, comment aurions-nous appris à engager notre liberté pour la conserver ? Nous étions des consciences nues en face du monde. Comment aurions-nous su que cet individualisme et cet universalisme avaient leur place sur la carte ?” Et Merleau-Ponty d’inviter à tirer des cinq années de guerre et d’occupation plus qu’une piqûre de rappel réaliste, une leçon philosophique : “On n’est pas libre seul.” Une défaite avant tout intellectuelle En 1946, quelques mois après l’éditorial de Merleau-Ponty, paraissait à titre posthume L’Étrange Défaite, le testament de l’historien-résistant Marc Bloch, torturé et fusillé par la Gestapo en juin 44 après s’être engagé dans la résistance et avoir combattu dans la drôle de guerre. Dans ce “procès-verbal de l’an 40”, rédigé entre juillet et septembre de la même année, Bloch prend acte, lui aussi, du renoncement à combattre qui a précédé la capitulation française. C’est selon lui la cause première, intellectuelle et morale, et pas seulement politique et militaire, du désastre. “Le triomphe des Allemands fut, essentiellement, une victoire intellectuelle et c’est peut-être là ce qu’il y a eu en lui de plus grave.” Ou encore : “Ce fut la marée montante d’un désespoir qui, au lieu d’aiguillonner à l’action, semblait chercher son refuge dans une sorte de paresse somnolente.” Un découragement collectif et pas seulement une carence de ressources : “Au fond de leur cœur, ils étaient prêts, d’avance, à désespérer du pays même qu’ils avaient à défendre et du peuple qui leur fournissait leurs soldats.” Et d’enfoncer le clou : “Quelque chose a manqué de l’implacable héroïsme de la patrie en danger.” Pour Merleau-Ponty, c’est la croyance naïve et dangereuse que la liberté et la paix sont des acquis universels et non “un sol à défendre” qui a précipité la défaite. Pour Bloch, c’est, outre la fragmentation de la société en classes antagonistes, une forme de désespérance collective. En entendant la sortie du chef d’état-major Fabien Mandon et le rejet quasi unanime dont elle a fait l’objet, alors que la guerre en Europe menace, j’ai eu le sentiment que le spectre de la défaite anticipée faisait lui aussi retour. » novembre 2025
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November 24, 2025 at 9:15 PM
La liberté académique : un combat urgent à mener, mais comment ? www.philomag.com/articles/la-...
La liberté académique : un combat urgent à mener, mais comment ?
La liberté académique : un combat urgent à mener, mais comment ? hschlegel lun 24/11/2025 - 17:00 En savoir plus sur La liberté académique : un combat urgent à mener, mais comment ? La guerre des idées continue de faire rage au sein des universités, plus fracturées politiquement que jamais. Entre dénonciations militantes, accusations de politiquement correct, censures réelles et annulations d’événements, le milieu universitaire semble être devenu une foire d’empoigne… au point où l’État français s’en mêle. Avec pour principale victime : la liberté académique ? [CTA2] Israël-Palestine : un conflit polarisant jusqu’à l’ingérence ? Le 9 novembre, une secousse du conflit israélo-palestinien a ébranlé le monde académique. Organisé par le Collège de France, un colloque sur la Palestine a été annulé, puis reprogrammé ailleurs. Spécifiant à l’Agence France-Presse ne pas avoir « demandé l’annulation », le ministre de l’Enseignement supérieur Philippe Baptiste a qualifié cette décision de « responsable » sur le réseau social X. Dans une tribune, un collectif de professeurs du Collège de France rappelle que la liberté académique « protège un bien, non seulement public, mais aussi commun ». “La liberté académique protège un bien, non seulement public, mais aussi commun” Tribune de membres du Collège de France   Loin d’être le privilège corporatiste d’une caste universitaire, la liberté académique rend possible, via la déontologie scientifique, la constitution de savoirs communs, essentielle pour la bonne tenue du débat démocratique. Coïncidence des polémiques, le 15 octobre dernier, Stéphanie Balme, directrice du Centre de recherches internationales à Sciences Po, remet un rapport pointant les menaces qui pèsent sur cette liberté. Au premier chef, sa définition floue et la quasi-absence de protections juridiques. Dans une note de 1810, le philosophe Wilhelm von Humboldt établit le premier que « l’indépendance et la liberté sont les principes » d’universités autonomes au sein desquelles des enseignants-chercheurs exercent leur profession à l’aide d’un triptyque de trois libertés (d’enseignement, de la recherche et d’expression). Les ingérences du politique ou du religieux risquent en effet d’entacher la recherche de la « science dans sa pureté ». La nécessaire indépendance des institutions vis-à-vis du politique Justement : les interventions politiques extérieures se multiplient, pointe le rapport. Un exemple parmi d’autres, en 2022, Laurent Wauquiez a ainsi conditionné les subventions aux universités de la région Auvergne-Rhône-Alpes à la signature préalable, de la part des institutions, d’une « Charte républicaine ».   “La liberté académique est mal définie et n’est quasiment pas protégée juridiquement” Face à cette « forme de maccarthysme contemporain 2.0 », le rapport préconise un panel d’actions visant à défendre cette liberté : sa constitutionnalisation pour le volet juridique, mais aussi la promotion d’une « véritable culture de la liberté académique » auprès du grand public. Reste ouverte la question de sa délimitation. À l’heure des coupes budgétaires, quid du financement privé de la recherche ? Ne risque-t-il pas d’exposer les chercheurs à des pressions venant des entreprises ? novembre 2025
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November 24, 2025 at 5:15 PM
Valentin Husson : “Le vice commence avec la gourmandise” www.philomag.com/articles/val...
Valentin Husson : “Le vice commence avec la gourmandise”
Valentin Husson : “Le vice commence avec la gourmandise” hschlegel lun 24/11/2025 - 12:55 En savoir plus sur Valentin Husson : “Le vice commence avec la gourmandise” Cette semaine, Philosophie magazine est partenaire de l’émission Avec philosophie sur France Culture, pour une série en quatre volets sur les vices, en lien avec notre nouveau hors-série : « Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens ». Premier épisode : la gourmandise, avec le philosophe Valentin Husson, qui participe aussi au numéro. [CTA1]   Dans le hors-série de Philosophie magazine « Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens », Valentin Husson, auteur de L’Art des vivres. Une philosophie du goût (PUF, 2023), participe à un repas pantagruélique avec notre journaliste Clara Degiovanni. C’est fort de ce rapport allègre à la vie qu’il évoque la gourmandise au micro de Géraldine Muhlmann : « Le vice commence avec la gourmandise », souligne le philosophe, qui rappelle que le péché originel, dans la religion chrétienne, commence avec le fait de croquer un fruit. Cette association originelle entre le vice et la gourmandise témoigne plus généralement d’un rapport intime entre ripaille et sociabilité. « Même si les monothéismes condamnent les péchés de la chair, une place fondamentale est accordée au repas, à la gourmandise, note Valentin Husson. Même nos traditions en apparence les plus ascétiques cultivent un rapport à la bonne chère, à la convivialité. » La convivialité, qui veut dire « le fait de vivre avec », passe d’abord par la nourriture. Conclusion : « Notre rapport d’emblée à l’existence est donc aussi, fait de sensualité. »    Écoutez l’émission en intégralité sur le site de France Culture et retrouvez notre hors-série en commande sur notre boutique ! novembre 2025
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November 24, 2025 at 1:15 PM
Des prénoms classiques écrits avec des Y, des H, des Z, des trémas… Quand les professeurs font l’appel à l’école, ils découvrent chaque année de nouvelles manières d’écrire des prénoms. Pourquoi ?

➤ Les explications de Baptiste Coulmont sont à lire sur Philomag : www.philomag.com/articles/giu...
November 23, 2025 at 8:00 AM
“Pluribus” : la dictature du bonheur www.philomag.com/articles/plu...
“Pluribus” : la dictature du bonheur
“Pluribus” : la dictature du bonheur hschlegel ven 21/11/2025 - 21:00 En savoir plus sur “Pluribus” : la dictature du bonheur Alerte : les zombies débarquent ! Et ils sont… gentils. Abominablement gentils. Jusqu’à former une dystopie mondiale étouffante de bienveillance et de bons sentiments, éliminant ainsi ce qui fait le sel de l’existence : les expériences négatives. Voilà l’argument de Pluribus, la nouvelle série de Vince Gilligan (Breaking Bad, Better Call Saul). [CTA1]   Ce texte est extrait de notre newsletter hebdomadaire « Par ici la sortie » : trois recommandations culturelles, éclairées au prisme de la philosophie, chaque vendredi soir. Abonnez-vous, elle est gratuite !   « Le créateur de Breaking Bad et de Better Call Saul Vince Gilligan fait son grand retour avec Pluribus, une série qui titille à nouveau notre rapport au bien et au mal. Un virus extraterrestre transforme les êtres humains en zombies d’un genre particulier : loin de dévorer les viscères, ils deviennent des monstres... de bienveillance. Mots compassés, obsession du bien-être, ces zombies trop gentils forment une conscience collective unique, parfaitement interconnectée. Un paradis sur terre ? Pas si vite... Car onze personnes échappent à ce syndrome, dont Carol Sturka (Rhea Seehorn), romancière dont la femme meurt au cours de l’invasion. Craignant de voir sa subjectivité diluée dans ce grand Tout lénifiant, Carol tente de rallier les autres “rescapés” pour sauver l’humanité. Mais de quoi précisément ? Difficile de justifier une lutte contre un système qui ne jure que par le bonheur et la vertu... D’emblée, Pluribus évoque The Good Place, autre série qui montre que l’enfer est pavé de bonnes intentions : maximiser le bonheur d’autrui, comme le veut la pensée utilitariste, cela suppose d’écraser les expériences négatives qui donnent pourtant leur sens à l’existence. La série croise cette inquiétude avec une réflexion plus novatrice sur l’IA. Car cette conscience indifférenciée, à l’altruisme insupportablement intrusif, fait bien penser à ChatGPT. Ces zombies professent un bonheur algorithmique composé de phrases toutes faites, d’empathie feinte et au fond, totalitaire, puisqu’il est impossible de s’y soustraire. Dans son essai L’Éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes (Gallimard, 2007), Ruwen Ogien mettait en garde contre ce genre de paternalisme moral : “Il n’y a aucune raison de laisser à la philosophie morale le douteux privilège de pontifier sur ce qu’est une ‘vie réussie’ [...] et de prétendre savoir ce qui est bien pour les autres sans tenir compte de leur avis, en développant, par exemple, des théories ‘perfectionnistes’ fondées sur l’idée qu’il existerait une forme d’excellence humaine dont ces théories détiendraient les critères.” Mieux vaut être malheureux à sa manière qu’heureux à la manière de tout le monde. »   Pluribus, série de Vince Gilligan, avec Rhea Seehorn et Miriam Shor. À voir sur Apple TV. novembre 2025
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November 21, 2025 at 9:15 PM
Cette confrontation s’est jouée dans l’Europe des Lumières. Elle oppose Emmanuel Kant, le grand penseur de l’idéalisme allemand – un pur esprit à en croire les témoignages –, au très passionné Benjamin Constant, aussi auteur d’un beau roman d’amour. Au cœur du duel : le mensonge.
A-t-on le droit de mentir ? Benjamin Constant face à Emmanuel Kant
Cette confrontation s’est jouée dans l’Europe des Lumières. Elle oppose Emmanuel Kant, le grand penseur de l’idéalisme allemand – un pur esprit à en croire les…
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November 21, 2025 at 6:00 AM
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Cuisiner, pour quoi faire ?
Cuisiner, pour quoi faire ? hschlegel jeu 20/11/2025 - 21:00 En savoir plus sur Cuisiner, pour quoi faire ? « Du confit de canard, des rillettes de canard, des gésiers de canard… Et avec ceci, ce sera tout ? Vous prendrez bien aussi un peu de foie gras, des rillettes d’oie, de la graisse d’oie… [CTA1] Bienvenue au Festival du livre gourmand de Périgueux Le week-end dernier, j’étais invitée, une fois n’est pas coutume, à un événement de bons vivants : le Festival du livre gourmand de Périgueux. Pour moi qui suis plutôt habituée aux rencontres littéraires, où l’on se satisfait de plaisirs intellectuels entre deux bouchées de bretzels aussi secs que la Critique de la raison pure, le dépaysement fut total. Enfin un festival où l’on ne parle que de bouffe ! Saucer n’est pas tremper, Le Sens du bétail… : en feuilletant le catalogue des livres exposés, j’en viens à penser que l’édition culinaire n’a décidément pas dit son dernier mot. Dès le départ du train, dans lequel deux wagons entiers étaient réservés pour les auteurs invités, les conversations tournent essentiellement autour de la nourriture. “Ne manque pas le marché au gras le samedi matin”, m’avertit un habitué. C’est là qu’on trouve les fameuses figues au foie gras de la Maison Requier. Une tuerie !” “Vous avez déjà goûté l’huile de noix favorite de François-Régis Gaudry ?”, questionne un autre. “Il paraît qu’il en boit à la bouteille…” ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. À première vue, mes camarades ne sont pas des as du régime. Mes voisins de table signent leurs ouvrages, l’une sur la cuisine séfarade, l’autre sur les cordons-bleus, dont il recense 40 recettes (marin, sucré… faites vos jeux !). Dans son Vorace, le photojournaliste Jean-François Mallet célèbre la gargantuesque diversité de la street food d’aujourd’hui, du kebab au taco-sushi. Le Gras, c’est la vie, proclame la designer culinaire Marion Châtelain dans son essai, sélectionné pour un prix : j’apprends avec ravissement que le gras est bon pour notre cerveau, constitué à 60% de lipides – un bon argument pour reprendre des pommes de terre sarladaises. Mais la résistance healthy s’organise. Un livre vante les cocktails sans alcool, un autre la cuisine des épluchures et autres fanes de carottes… “Oubliez le petit-déjeuner”, commande un historien de la nutrition. “Contrairement à ce que l’on croit, il est très mauvais de manger dès le réveil.” “Le soja, oui, mais à condition de le faire tremper”, précise une diététicienne à un végan qui cherche à optimiser son apport en protéines végétales. “Combien de cuillères d’huile de sésame puis-je ingérer au maximum par semaine ?”, s’enquiert une lectrice auprès de l’auteur du Repas idéal.  Deux cuisines, deux ambiances “Ne les écoute pas”, me chuchote à l’oreille une petite voix. “Ce n’est pas ça, la cuisine.” Le ton est énergique, l’accent mélodieux. Maria Nicolau est catalane. Cheffe cuisinière, elle a officié dans des établissements renommés, y compris en France. Son Cuisine ou barbarie est devenu un phénomène de librairie en Espagne, où il s’en est vendu pas moins de 100 000 exemplaires. Ce n’est ni exactement un essai, ni un recueil de recettes. Certes, vous y trouverez quelques trucs utiles pour réussir votre omelette ou votre ragoût. Mais pas n’importe lesquels : ce qu’essaie de vous apprendre Maria, c’est comment réussir votre ragoût. Celui dont le fumet vous rappelle votre enfance, et dont votre descendance cherchera à convoquer le souvenir en remuant ses propres mixtures. Lorsqu’elle décrit son rapport à la nourriture, c’est tout un monde qui surgit, celui de sa mémoire, celui d’une sensualité peu commune. Ainsi, la scène où elle raconte comment elle désosse un sanglier relève de la littérature érotique. “Ce n’est pas la viande qui me fascine”, écrit Maria. “Je suis totalement incapable de ressentir le moindre désir sincère en arpentant les rayons du supermarché. […] C’est, je crois, la proximité avec la mort – qui n’est rien d’autre que la proximité de la vie –, cette facilité avec laquelle j’imagine cette cuisse en mouvement, trottant. […] C’est cette sauvagerie qui m’attire, qui aiguise ma faim. L’appel du sauvage ne peut venir que de ce qui est sauvage.” Maria n’a pas d’opinion tranchée sur la chasse, qu’elle juge parfois nécessaire, parfois inutile. Son idée ? Défendre une vision de la cuisine qui nous fait nous sentir profondément vivants – et s’affranchit de toute injonction normative. “J’ai toujours eu plus peur de la domestication et de l’indignité que de la mort elle-même”, écrit Maria en achevant de découper sa carcasse. Une mission d’intérêt public : en discutant avec les visiteurs du festival, je suis frappée de constater à quel point nombre d’entre eux sont obsédés par leur régime, les quantités d’aliments qu’ils ingèrent, le temps de mastication… À croire que nous sommes devenus incapables d’envisager notre corps autrement que comme une machine, à entretenir selon un manuel d’utilisation de plus en plus précis. La gourmandise – un péché dont nous vous parlons dans notre nouveau hors-série consacré aux vices – n’est plus condamnée par l’Église, mais par notre propre obsession de la minceur et de la performance. Pourquoi cuisiner ? Une dérive qui relève, si j’en crois Maria, de la pure barbarie. “Nous ne cuisinons pas pour rester vivants”, écrit-elle dans son livre. “Pour ça, nous ferions aussi bien de manger des croquettes. Nous cuisinons pour avoir envie de vivre, pour donner à nos jours sens et raison d’être. Nous cuisinons parce que nous ne sommes pas des bêtes, mais des êtres humains, capables de générer de la culture, un héritage, des souvenirs […]. La dichotomie est simple. Cuisine ou barbarie.” S’il est une leçon de chef que j’ai envie de retenir de mon séjour périgourdin, c’est bien celle-ci. » novembre 2025
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November 20, 2025 at 9:15 PM
🗞 NOUVEAU HORS-SÉRIE ➤ “PETIT TRAITÉ DES VICES À L’USAGE DES HONNÊTES GENS”

Les vices condamnés de l’Antiquité au Moyen Âge ont-ils encore un sens au XXIe siècle ? Plongeons dans les métamorphoses, les persistances et les retournements des “sept vices capitaux” !

🗞 EN KIOSQUE CE JEUDI 20 NOVEMBRE
November 20, 2025 at 7:00 AM
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“Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens”, le nouveau hors-série de “Philosophie magazine”, est en kiosque !
“Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens”, le nouveau hors-série de “Philosophie magazine”, est en kiosque ! hschlegel jeu 20/11/2025 - 06:00 En savoir plus sur “Petit traité des vices à l’usage des honnêtes gens”, le nouveau hors-série de “Philosophie magazine”, est en kiosque ! Les vices que l’on condamnait à l’Antiquité ou au Moyen Âge ont-ils encore un sens au XXIe siècle ? On ne va plus en enfer quand on est gourmand ou quand on aime le plaisir des sens. La colère est une émotion collective qui peut faire bouger les choses. La paresse permet parfois de résister au culte de la performance. Pourtant l’avarice, c’est toujours aussi moche. L’orgueil s’est transformé en égocentrisme. Le sexe n’a plus rien d’innocent… Nous avons donc repris les « sept vices capitaux » de Thomas d’Aquin pour en suivre les métamorphoses, les persistances, les retournements. Ce qui est beaucoup plus amusant que d’étudier les vertus ! Découvrez ci-dessous notre hors-série, en kiosque dès ce jeudi 20 novembre. [CTA1]  Au sommaire de ce hors-série… ➤ Un « petit traité des grands vices », que nous propose André Comte-Sponville. ➤ Paradoxe : tout le monde condamne le narcissisme, mais nous vivons à l’âge des fiertés. Les explications de Laurence Devillairs. ➤ Les super-riches : des « bébés effrayés qui ne veulent pas partager », pour Christian Arnsperger. ➤ Et le plaisir, bordel ? Un dialogue enflammé entre Ovidie et la romancière Emma Becker. ➤ L’envie est le moteur secret du capitalisme. Et la jalousie, celui de Vladimir Poutine. Quant à Trump, c’est un ego vide… L’analyse de Jean-Pierre Dupuy. ➤ La gourmandise, notre passion nationale. À l’approche de Noël, Valentin Husson nous livre son manifeste hédoniste sur une « valeur refuge ». ➤ Camille Chamoux adore se mettre en colère. Face à elle, Sophie Galabru se demande ce qu’est une véritable et saine colère. ➤ Exaspérés et indifférents, les Français ? L’éclairage de Mazarine Pingeot. ➤ Ne cédons pas à la paresse ! …notamment intellectuelle, grâce à Éric Fiat.   Bourré d’infographies, de révélations sur les vices des philosophes, avec un reportage sur une plage orgiaque au Portugal et une enquête sur le fondateur du magazine Vice passé de la gauche à l’ultradroite, sans oublier des photos qui actualisent les péchés d’antan, ce hors-série se déguste avec gourmandise et s’offre… avec malignité. Procurez-vous sans attendre ce hors-série en kiosque ! Vous pouvez également commander ce numéro papier directement sur notre boutique. Et nos abonnés peuvent le retrouver ici dans sa version numérique, en entier sur notre site. novembre 2025
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November 20, 2025 at 6:15 AM
L’entreprise Duralex sauvée ! Duralex, dur dure www.philomag.com/articles/len...
L’entreprise Duralex sauvée ! Duralex, dur dure
L’entreprise Duralex sauvée ! Duralex, dur dure hschlegel mer 19/11/2025 - 21:00 En savoir plus sur L’entreprise Duralex sauvée ! Duralex, dur dure « Il fallait retourner son verre pour connaître son âge. Vous avez peut-être, comme moi, ce souvenir d’écolier à la table de la cantine. Ces gobelets marrants et incassables étaient signés “Made in Duralex”. La mémoire m’est revenue alors que l’entreprise vient de réussir une levée de fonds, après sa reprise sous forme de coopérative l’an dernier.  [CTA1] Dur à cuire, Duralex ? Dura lex sed lex. “La loi est dure mais c’est la loi.” La locution latine aurait inspiré le nom de l’entreprise lors du rachat de la Société des verreries de La Chapelle-Saint-Mesmin par Saint-Gobain (qui a inventé le verre trempé) en 1934. Le nom est déposé en 1945 quand l’usine se destine à la production de gobelets, dont deux modèles sont entrés dans l’imaginaire collectif : le Gigogne (celui de la cantine), plutôt rond, et le Picardie. Celui-ci s’exporte et apparaît même en mission spéciale, au cinéma, chez James Bond : l’agent secret qui, lui aussi, résiste à tout, s’enfile deux whiskys dans Quantum of Solace puis Skyfall. ➤ Vous lisez actuellement la Lettre de la rédaction de Philosophie magazine. Pour la recevoir directement dans votre boîte mail, abonnez-vous ! Cette newsletter est quotidienne et gratuite. 19,8 millions en 48 heures : mission accomplie ! La somme a été cumulée en moins de temps qu’il n’en faut pour vider son verre lors de la levée de fonds lancée par Duralex, lundi 3 novembre dernier. 22 000 citoyens auraient ainsi pris le risque d’investir, là où l’État via la Banque publique d’investissement s’était montré plus frileux, rechignant à accorder un prêt. Cet engouement s’est noué autour de la volonté de soutenir le tissu industriel dans l’Hexagone, mais aussi d’une belle histoire : celle d’une entreprise reprise en 2024 sous la forme d’une société coopérative et participative (Scop), après avoir failli disparaître, sauvée de la liquidation judiciaire par ses salariés. Bref, la verrerie a réveillé le sentiment national… et ravivé une tradition philosophique, le “socialisme utopique”. Le socialisme à la rescousse Cette utopie débute avec Saint-Simon. Penseur de la société industrielle dans la période qui succède à l’Ancien Régime, croyant à l’élévation matérielle et morale des classes populaires, dans un esprit positiviste, Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825) fait école. Sa doctrine sociale, économique et politique mise sur l’établissement d’une société gouvernée par les savants et les industriels, ainsi que sur l’émancipation par le travail – à l’orée de l’ère industrielle. En 1880, Friedrich Engels reconnaît en lui un précurseur du “socialisme utopique” (par opposition à son socialisme “scientifique”) : “Si nous trouvons chez Saint-Simon une largeur de vues géniale qui fait que presque toutes les idées non strictement économiques des socialistes postérieurs sont contenues en germe chez lui, nous trouvons chez Fourier une critique des conditions sociales existantes qui, pour être faite avec une verve toute française, n’en est pas moins pénétrante” Friedrich Engels, Socialisme utopique et Socialisme scientifique (1880) Dans ce panthéon du socialisme, aux côtés de Saint-Simon et de Charles Fourier (concepteur du célèbre phalanstère) prend également place le Britannique Robert Owen. Il est l’inventeur du mouvement coopératif en Angleterre, fondateur d’une manufacture à New Lanark : “Tous les mouvements sociaux, tous les progrès réels qui furent menés à bien en Angleterre dans l’intérêt des travailleurs se rattachent au nom d’Owen”, écrit Engels dans Socialisme utopique et Socialisme scientifique. Il “introduisit, comme mesure de transition menant à une organisation entièrement communiste de la société […] les sociétés coopératives (coopératives de consommation et de production) qui, depuis, ont au moins fourni la preuve pratique que le marchand ainsi que le fabricant sont des personnages dont on peut très bien se passer”. Dans cette tradition, faisant confiance au progrès de l’homme et de la technique, croyant à la transformation de la société par l’initiative des communautés des travailleurs, davantage que par la révolution politique ou la réforme étatique, s’inscrit une lignée de penseurs et d’industriels, dont Jean-Baptiste André Godin (1817-1888). Lui fonde le familistère de Guise (Aisne), un lieu de vie coopératif inspiré du phalanstère de Fourier, porté par une devise : “Capital, Travail, Talent”. N’est-ce pas tout ce qui rend l’entreprise Duralex (toujours aussi) incassable ? » novembre 2025
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November 19, 2025 at 9:15 PM
50 ans après la mort de Franco : quelle fut l’attitude des intellectuels face au régime ? www.philomag.com/articles/50-...
50 ans après la mort de Franco : quelle fut l’attitude des intellectuels face au régime ?
50 ans après la mort de Franco : quelle fut l’attitude des intellectuels face au régime ? hschlegel mer 19/11/2025 - 17:00 En savoir plus sur 50 ans après la mort de Franco : quelle fut l’attitude des intellectuels face au régime ? Il y a cinquante ans mourrait Francisco Franco. Avec lui disparaissait la dictature instaurée à la suite de la guerre civile espagnole qui opposa, de 1936 à 1939, les républicains aux putschistes nationalistes menés par le Caudillo. Son souvenir hante toujours l’Espagne, qui annonçait récemment établir une liste de symboles franquistes à retirer de l’espace public. Retour sur le positionnement des intellectuels face au régime du général. [CTA2] Les soutiens Le franquisme eut son petit cercle de penseurs – on peut notamment citer le poète et essayiste Dionisio Ridruejo, cofondateur de l’organisation fasciste la Phalange aux côtés de José Antonio Primo de Rivera et Ernesto Giménez Caballero, l’un des introducteurs du fascisme en Espagne. Il eut également ses intellectuels martyrs comme José Calvo Sotelo, essayiste monarchiste dont l’assassinat par un socialiste poussa Franco à se joindre au coup d’État en préparation contre la République, ou l’essayiste, écrivain et ambassadeur Ramiro de Maeztu qui, capturé par les républicains, fut fusillé 29 octobre 1936. En ce qui concerne spécifiquement les philosophes qui soutinrent sans ambiguïtés le régime de Franco, on peut citer Eugenio d’Ors, initiateur du noucentisme catalan, un courant de pensée anti-moderne, qui intégra la Phalange espagnole et fut nommé chef de la Jefatura Nacional de Bellas Artes (ministre des Beaux-Arts). Pedro Laín Entralgo fut également l’un des intellectuels importants de la Phalange. Pendant la guerre civile espagnole, il collabora à Arriba, un journal franquiste. Après la guerre, il fut nommé à la première chaire d’histoire de la médecine du pays, à l’université de Madrid. De son côté, Manuel García Morente, philosophe néo-kantien influencé par Bergson et Le Déclin de l’Occident de Spengler, ne soutint jamais explicitement le régime franquiste, ni n’en fut un intellectuel « organique ». Mais, destitué de ses fonctions à l’université de Madrid après l’éclatement de la guerre civile et exilé à Paris, il rejoint l’Espagne en 1938 pour entrer au séminaire. Sa conversion religieuse le pousse à adopter des positions hostiles au marxisme et au rationalisme républicain. Les opposants Les intellectuels opposés au franquisme furent nombreux. De grands noms de la pensée signèrent notamment un texte commun en faveur de la République en 1936, comme le raconte Paul Aubert dans « Les intellectuels espagnols face à la guerre civile (1936-1939) » : « Les soussignés déclarons que, face à l’affrontement qui a lieu en Espagne, nous sommes aux côtés du Gouvernement de la République et du peuple, qui avec un héroïsme exemplaire lutte pour ses libertés. » On peut citer l’érudit et philologue Ramón Menéndez Pidal, le poète Antonio Machado, l’écrivain Ramón Pérez de Ayala, le poète platonicien Juan Ramón Jiménez, etc. L’universitaire, médecin et penseur Gregorio Marañón fut également des signataires, mais il s’exila dès 1936 et fut le concepteur de « théories sur la sexualité et sur le genre que les intellectuels organiques du régime franquiste s’empressèrent d’instrumentaliser pour cautionner une politique nataliste drastique et légitimer la relégation des femmes espagnoles dans le domaine privé du foyer », souligne Marie-Aline Barrachina dans « Le Docteur Gregorio Marañón, ou la plume militante de l’endocrinologue ». Comme le note cependant Hugh Thomas dans The Spanish Civil War, « les atrocités et l’influence croissante des communistes ont poussé tous ces hommes à saisir la moindre occasion qui se présentait pour fuir à l’étranger. Là-bas, ils renièrent leur soutien à la République » le plus souvent.  “Vous vaincrez, mais ne convaincrez pas” Miguel de Unamuno   Il en va tout autrement pour le philosophe Miguel de Unamuno, recteur de l’université de Salamanque l’un des plus influents penseurs espagnols de l’époque. « La République l’avait déçu, il avait admiré certains jeunes phalangistes et avait financé le soulèvement. » Bref, il fut d’abord un soutien du camp nationaliste. Mais tout change rapidement. Alors que le régime célèbre, le 12 octobre 1936, le Jour de la Race à l’université de Salamanque, Unamuno prend la parole et attaque les franquistes réunis : “Cette université est le temple de l’intelligence et je suis son grand prêtre. Vous profanez son enceinte sacrée. [...] Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader, il vous faudrait avoir ce qui vous manque : la raison et le droit dans votre combat. Il me semble inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne” Exfiltré de la cérémonie, le philosophe fut révoqué du rectorat et assigné à résidence. Si certains des exilés changèrent de position sur la situation en Espagne, d’autres demeurèrent fidèle aux idées républicaines. María Zambrano, notamment, qui avait soutenu la création de la IIe République en 1931 et se rangea du côté des républicains en 1936. Après la victoire des nationalistes, elle quitta l’Espagne pour ne rentrer à Madrid qu’en 1984, neuf ans après la mort de Franco. Si elle garda, pour l’essentiel, le silence sur le franquisme pendant ses années d’exil, ses textes portent la marque allusive d’une dénonciation de la dictature. Elle écrira : « La démocratie n’est pas seulement un système politique, mais un mode de vie qui respecte la dignité de chaque personne. » Autre grand intellectuel critique, Rafael Altamira fut arrêté par les carlistes [mouvement monarchiste catholique] peu après le début de la guerre civile alors qu’il s’apprêtait à fuir le pays. Tandis qu’il devait être fusillé, le général Miguel Cabanellas le sauve. Altamira prend la route de l’exil et atterrit au Mexique. Il refusera toujours les invitations du régime franquiste à regagner l’Espagne. “La démocratie n’est pas seulement un système politique, mais un mode de vie qui respecte la dignité de chaque personne” Maria Zambrano   Parmi les penseurs pro-républicains, il faut encore mentionner le socialiste et ancien ministre Fernando de los Ríos, Claudio Sánchez-Albornoz, licencié de philosophie et également ancien ministre, les poètes du groupe « Génération de 27 » Luis Cernuda et Manuel Altolaguirre, l’écrivain José Moreno Villa, ou encore le philosophe et sociologue Julián Marías qui, lorsqu’éclata la guerre civile, s’engagea aux côtés des républicains et écrivit dans la presse antifranquiste. Après la victoire de Franco, il fut emprisonné pendant trois mois. Libéré, son parcours universitaire sera semé d’embûches. En 1942, sa thèse doctorale est suspendue, lors de la présentation, par le directeur de l’université à cause de divergences idéologiques. Marías est finalement autorisé à soutenir sa thèse en 1949 et obtient son doctorat, mais il est interdit d’enseignement dans les universités. Xavier Zubiri, philosophe très influencé par la phénoménologie, s’exila quant à lui en France au moment où éclate le conflit mais rejoignit finalement son pays en 1939 et accepta la chaire de philosophie à l’université de Barcelone. Il est cependant contraint par le régime à renoncer à ses fonctions académiques en 1942. Les ambigus  C’est sans doute le plus important philosophe espagnol qui fut, en ce qui concerne le franquisme, le plus ambigu. Pendant la guerre civile, José Ortega y Gasset prend discrètement parti pour les nationalistes. Dans « Un philosophe en exil : José Ortega y Gasset entre la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale (1936-1945) », Eve Giustiniani résume : “Le désenchantement républicain, associé à un anticommunisme viscéral […] sont les principaux facteurs expliquant le choix du camp franquiste pendant la guerre civile. Même s’il s’agit vraisemblablement davantage d’un choix par défaut que du résultat d’une véritable conviction” Le franquisme ne correspond pas franchement à l’idéal politique d’Ortega y Gasset, hostile au nationalisme. Sa devise, note Giustiniani, pourrait être « “liberté, pluralisme, continuité” : liberté de l’individu, pluralisme de la société, continuité des institutions. Trois fondements qui se trouvent à l’opposé de l’étatisme oppressant et destructeur caractéristique de toute entreprise révolutionnaire, qu’elle soit de droite ou de gauche ». Face aux socialistes, le franquisme apparaît cependant comme un moindre mal. Un part du philosophe espérait peut-être, en un sens, que la victoire de Franco soit ce moindre mal, et qu’il permette la renaissance de l’idée libérale qu’il défendait : « Le “totalitarisme” sauvera le “libéralisme”, en déteignant sur lui, en l’épurant, grâce à quoi nous verrons bientôt un nouveau libéralisme tempérer les régimes autoritaires. » “Le ‘totalitarisme’ sauvera le ‘libéralisme’, en déteignant sur lui, en l’épurant” Ortega y Gasset   Quoiqu’il en soit, quand la guerre civile éclate, Ortega y Gasset fait le choix de l’exil, et « sa position politique reste privée ». Il « accepte de participer discrètement à la propagande franquiste », en écrivant quelques articles à destination du public étranger, mais il « rectifie vite sa position en critiquant, d’un point de vue philosophique, les régimes dictatoriaux », dont il condamne la violence. Si l’on peut dire, « Ortega [donnait] au camp national quelques preuves de “bonne volonté” (afin d’éviter la persécution), tout en ne prenant jamais explicitement parti pour le franquisme (pour sauver son honneur de libéral) ». De retour en Espagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Ortega y Gasset ne retrouve pas sa position de philosophe « majeur » : il est marginalisé, et surveillé par le régime. Les étrangers Des intellectuels non espagnols s’engagèrent lors de la guerre d’Espagne. Plusieurs rejoignirent spontanément les rangs républicains comme André Malraux ou George Orwell, qui écrit dans son Hommage à la Catalogne (1938) : “Il s’agissait essentiellement d’une guerre des classes. Si elle avait été gagnée, la cause des gens ordinaires partout dans le monde aurait été renforcée. Elle a été perdue, et les bénéficiaires de dividendes du monde entier se sont frotté les mains. C’était là le véritable enjeu ; tout le reste n’était que mousse à la surface” Quoique pacifiste, Simone Weil elle aussi se joignit aux anarchistes de la colonne Durruti : « Je n’aime pas la guerre ; mais ce qui m’a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c’est la situation de ceux qui se trouvent à l’arrière et bavardent de ce qu’ils ignorent. » Le cynisme barbare qu’elle observe y compris dans le camp républicain la glace. « Je n’ai jamais vu personne même dans l’intimité exprimer de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l’égard du sang inutilement versé. » La philosophe sort profondément marquée par cette expérience : « Le malheur des autres est entré dans ma chair et dans mon âme. » “Ce qui m’a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c’est ceux qui se trouvent à l’arrière et bavardent de ce qu’ils ignorent” Simone Weil   Enfin, de nombreux philosophes soutinrent à distance les républicains. Citons ainsi le célèbre « trio » français constitué par Camus (« Toute sa vie, Albert Camus est resté fidèle à la République espagnole pour être fidèle à lui-même », écrit Jean-Yves Guérin dans « Camus et la guerre d’Espagne »), Beauvoir (« Nous plongeâmes dans le drame qui pendant deux ans et demi domina toute notre vie : la guerre d’Espagne ») et Sartre, qui écrira un texte sur le franquisme en guise de préface à La Fin de l’espoir, un texte signé Juan Hermanos – pseudonyme de Marc Saporta – partiellement publié dans la revue Les Temps modernes.  novembre 2025
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November 19, 2025 at 5:15 PM
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Fin de la COP30 : le “principe habitabilité” va-t-il sauver la planète ?
Fin de la COP30 : le “principe habitabilité” va-t-il sauver la planète ? hschlegel mer 19/11/2025 - 13:29 En savoir plus sur Fin de la COP30 : le “principe habitabilité” va-t-il sauver la planète ? Au niveau international, le droit de l’environnement est bardé de traités et de chartes en tout genre. Ce qui de toute évidence ne suffit pas : sur le plan écologique, notre planète continue de sombrer. Un super-principe juridique pourrait-il sauver le monde de l’effondrement environnemental ? C’est l’idée derrière le « principe habitabilité ». Explications. [CTA2] Pallier un droit impuissant Près de 500 traités internationaux, des lois et des chartes à tous les échelons... Sur le papier, le droit de l’environnement forme un arsenal robuste, presque surabondant. Pourtant, au vu de la crise climatique et de la destruction des écosystèmes, il semble impuissant à protéger durablement la planète et ses habitants. Comment expliquer cette déficience ? Peut-on lui redonner un nouvel élan et garantir son efficacité sur le long terme ? Le philosophe Baptiste Morizot et le juriste Laurent Neyret en sont convaincus. Dans un article paru dans la revue en ligne du Groupe d’études géopolitiques, l’auteur de Manières d’être vivant (Actes Sud, 2020), maître de conférence à l’université Aix-Marseille, et le professeur des universités à Sciences Po défendent l’idée d’un « principe habitabilité ». Ce concept devrait permettre de refonder le droit environnemental : non pas en surajoutant, en aval, une énième clause aux textes existants mais en posant ce principe en amont de l’édifice juridictionnel. Leur approche vise ainsi à redynamiser la lutte contre le dérèglement climatique après l’échec relatif de la COP30 et la sortie programmée des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat en 2026. De la dignité à l’habitabilité Les deux auteurs s’inspirent du droit issu de la Seconde Guerre mondiale, qui a créé la notion de crime contre l’humanité. À l’origine, il y avait « une valeur cardinale partagée » : la dignité. « La découverte de la dignité a été une réponse à un choc qui dépassait l’entendement », notent les chercheurs, citant le procès de Nuremberg. Pour lutter contre « l’atteinte absolue » que représenterait, de même, la crise écologique, une méthode similaire devrait être adoptée : “L’humanité doit se doter d’une valeur bouclier permettant de raviver la légitimité et l’efficacité du droit qui permettra de faire face aux menaces existentielles des risques climatiques et écologiques. C’est la promesse du ‘principe habitabilité’” Baptiste Morizot, Laurent Neyret, « Le principe habitabilité », in : Groupe d’études géopolitiques (2025) Qu’est-ce que l’« habitabilité » ? Morizot et Neyret la définissent « comme la propriété de tout milieu à toute échelle spatio-temporelle dans lequel les conditions de santé et de prospérité de chacune des formes de vie sont produites par l’activité interdépendante de la diversité des formes de vie ». L’habitabilité est une valeur foncièrement « relationnelle », puisqu’elle inclut autant l’espèce humaine que le reste du vivant, sans qui l’humanité ne peut survivre : plantes, animaux, organismes multiples, qui créent la vie et les conditions de sa « sécurité » et de sa « prospérité » sur Terre. Le pari du temps long Le principe habitabilité est-il suffisant pour donner de la force au droit ? Les auteurs sont conscients des difficultés posées, au vu du contexte idéologique mondial. Ils précisent : “Le droit fonctionne aussi dans une temporalité longue où les principes fondamentaux opèrent comme contraintes structurelles continues, modifiant les coûts politiques des violations et créant les bases de futures sanctions, même sans intervention immédiate” Baptiste Morizot, Laurent Neyret, ibid. Le droit suppose de penser le temps long sans céder à la peur contemporaine du populisme climatosceptique. Plus délicate, en revanche, s’avère leur mise en avant déterminante des relations entre vivants. Car ce terme semble oblitérer les conflits inhérents aux espèces pour adhérer à une vision harmonieuse des modes d’expression du vivant. Jusqu’où l’humanité doit-elle rogner sur ses propres droits pour permettre aux autres formes de vie de prospérer ? Même judicieusement reformulée, la question reste ouverte. novembre 2025
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November 19, 2025 at 1:15 PM